Quim Torra, l’amère solitude du président catalan

Après une semaine horribilis, le président catalan Quim Torra se retrouve isolé dans son propre camp. Retour sur une polémique aux lourdes conséquences.

Ah si l’actuel président de la Catalogne Quim Torra était resté directeur de musée, il aurait pu dire, écrire, tweeter tout ce qu’il pensait sans que le monde politico-médiatique entre en ébullition. Quim Torra est avant tout un intellectuel engagé. Écrivain, éditeur, directeur du musée identitaire catalan du Born, le profil de Torra l’amène forcément à tenir des propos exaltés, parfois extrêmes.

Torra, qui n’a aucune expérience politique, semble oublier qu’il est le président de la Generalitat, institution dotée d’un budget de 34 milliards d’euros.

Souffre

Comme un écrivain qui réfléchirait à voix haute, Torra enchaîne les déclarations sulfureuses : inciter les manifestants indépendantistes des Comités de Défense de la République (CR) à mettre la pression dans la rue; questionner le rôle de la police catalane dans la répression lors d’incidents en lien justement avec les CDR; prendre l’exemple de la Slovénie qui s’est séparée de la Yougoslavie en causant près d’une centaine de morts. Quim Torra a incendié l’espace politique qui est le sien depuis une dizaines de jours.

Madrid

Le pouvoir socialiste madrilène a réagi avec une véhémence inattendue contre les propos présidentiels en affichant la volonté de reprendre le contrôle des rues catalanes via la police espagnole, l’article 155 ou la loi de sécurité intérieure. Le Premier ministre espagnol est sous pression des notables locaux de son parti qui ont peur d’être balayés aux prochaines élections du printemps en raison du conflit catalan. Les barons socialistes demandent des mesures énergiques.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’est pas encore question d’appliquer le 155 ou la loi de sécurité intérieure, mais dans les cabinets ministériels madrilènes, personne ne veut être pris au dépourvu, et tous les scénarios sont sur la table. Surtout que le Conseil des ministres espagnols doit être délocalisé le 21 décembre prochain à Barcelone. Un geste pensé pour désenflammer les relations catalano-espagnoles mais qui vire au Vietman : le gouvernement espagnol ne supportera pas le moindre boycott des indépendantistes dans les rues barcelonaises visant à troubler la venue de Pedro Sanchez et ses ministres. Le chef du gouvernement espagnol viendra avec 400 policiers nationaux, au cas où les Mossos d’Esquadra reçoivent des ordres les invitant au laxisme.

Pedro Sanchez regarde également ce qu’il se passe en France avec le climat insurrectionnel des Gilets Jaunes. L’Espagne, pays d’ordre qui compte proportionnellement deux fois plus de policiers que la France, ne supporterait pas que les rues de Catalogne ressemblent à celles de Paris.

Seul

Esseulé, Quim Torra l’est également en Catalogne, au sein du camp indépendantiste. La gauche républicaine, qui co-gouverne la Catalogne avec lui, ne cache pas son malaise et affiche la volonté de mener des politiques pragmatiques avec l’exécutif espagnol. Même la garde rapprochée du mouvement politique de Carles Puigdemont à Barcelone s’est éloignée du président Torra. La porte-parole du gouvernement Elsa Artadi a rappelé que la Generalitat garantissait l’ordre public et le ministre de l’Intérieur a présenté ses excuses aux Mossos d’Esquadra dont le travail face aux manifestants indépendantistes avait été remis en question.

Quim Torra, comme Carles Puigdemont, est intellectuellement proche de la Cup, ce petit parti indépendantiste radical et anti-système. Bien qu’évoluant au sein du centre-droit souverainiste, dans sa première interview en qualité de président Quim Torra a expliqué que sa femme votait pour la Cup et que sa fille militait au sein des CDR.

Torra tient exactement le même discours que la Cup et les CDR comme le faisaient Puigdemont et ses ministres avant la Déclaration d’indépendance. Sauf que depuis l’incarcération des leaders souverainistes, beaucoup estiment devoir calmer le jeu face à l’Etat espagnol et arrêter de suivre le chemin radical de la Cup qui mène finalement à l’échec pour faire avancer le processus souverainiste. Pour le moment, Quim Torra et Carles Puigdemont ne souhaitent pas mettre leur carte à jour.

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