Les indépendantistes ont la tentation de faire trembler le gouvernement espagnol, mais tout n’est pas si facile.
« Nous allons au choc frontal, nous allons faire tomber le gouvernement espagnol » confie déterminé à Equinox un proche de Carles Puigdemont. La scène a eu lieu durant le week-end, quelques heures après l’annonce du réquisitoire par le procureur espagnol qui demande entre 11 et 25 ans de prison pour les leaders indépendantistes responsables de la déclaration d’indépendance du 27 octobre 2017.
Lire aussi : L’Espagne demande plus de 200 ans de prison contre les leaders indépendantistes
Pour faire chuter l’exécutif socialiste de Pedro Sanchez, il n’y a pas besoin de désobéir à la Constitution : il suffit que les 17 députés indépendantistes qui siègent à Madrid ne donnent plus leur vote aux projets législatifs du gouvernement.
Pedro Sanchez gouverne sans avoir gagné les élections, il dirige l’Espagne après que Mariano Rajoy fut décapité par une motion de censure en juillet dernier suite à un scandale de corruption. Les 175 députés ont avant tout voté le texte de la motion de censure pour faire tomber le conservateur Rajoy. Même si la Constitution donne automatiquement les clés du pouvoir à celui qui a présenté la motion, en l’espèce Pedro Sanchez, ce n’est pas pour cela qu’il dispose par la suite d’une majorité parlementaire pour gouverner.
Pedro Sanchez a conclu une alliance de gouvernement avec l’ultra-gauche de Podemos. Les deux groupes parlementaires, socialistes et Podemos, disposent de 151 sièges. Il faut 176 voix pour faire passer une loi à la majorité absolue. Le prochain texte primordial qui se prépare en lecture au Congrès des députés est le budget général de l’État espagnol. Sans les votes des députés indépendantistes catalans, il est impossible d’adopter la loi budgétaire. Fragilisé, Pedro Sanchez pourrait convoquer des élections législatives nationales anticipées.
Les parlementaires catalans restent en Espagne
Après les réquisitions du parquet, les indépendantistes, le président Quim Torra en tête, poussent des cris au ciel expliquant que les parlementaires catalans ne voteront pas le budget. Les plus vindicatifs expliquaient d’ailleurs que les députés indépendantistes n’allaient plus siéger au parlement espagnol en signe de protestation face aux années de prison qui attendent les anciens ministres de Puigdemont.
Finalement, les 17 parlementaires resteront au congrès espagnol. Il y a une raison budgétaire à ce choix : les 17 élus se partagent chaque année près d’un million d’euros de salaires et de notes de frais, auquel il faut ajouter une subvention annuelle pour les partis à hauteur de près de 700.000 euros. En cette période de vaches maigres pour les mouvements politiques qui doivent débourser les frais de justice, les amendes et les cautions pour les élus poursuivis, l’argent est plus que jamais le nerf de la guerre. « Les 350 parlementaires qui siègent dans notre parlement sont des députés qui respectent la Constitution, puisqu’ils sont élus par une loi espagnole », affirme le premier ministre Pedro Sanchez, avec un sens de la logique qui effrite la crédibilité indépendantiste des élus catalans.
Concernant les votes des députés souverainistes, le gouvernement se montre plutôt confiant. Les équipes gouvernementales estiment que les indépendantistes ne veulent pas d’élection anticipée qui pourrait conduire à une majorité ultra-conservatrice Partido Popular-Ciutadans. Les deux partis de droite ont pour objectif d’appliquer un article 155 quasi permanent qui suspendrait de facto les institutions catalanes et sortirait les indépendantistes des arcanes du pouvoir.
Parallèlement, le budget 2019 garantit à la Catalogne des milliards d’euros d’investissements. Des sommes qui seront reversées dans les services publics et les infrastructures. En cas de non-adoption des comptes publics, l’exécutif de Pedro Sanchez peut rester au pouvoir en prorogeant les budgets 2018 de Mariano Rajoy. La Catalogne perdrait les investissements et les socialistes la crédibilité gouvernementale.