La gauche républicaine indépendantiste (ERC) dirigée depuis la prison de Lledoners par l’ancien vice-président du gouvernement Oriol Junqueras est en guerre avec la mouvance de centre-droit dirigée depuis Bruxelles par Carles Puigdemont.
La dernière passe d’armes entre les deux partis qui s’opposent depuis 40 ans pour prendre le contrôle de l’indépendantisme repose sur le statut de Carles Puigdemont au parlement catalan.
Le juge instructeur Pablo Llarena a prononcé la suspension politique des responsables poursuivis dans l’affaire de la déclaration d’indépendance. Carles Puigdemont, élu député le 21 décembre dernier, est touché. Pour son groupe parlementaire Junts Per Catalunya, hors de question de suivre les ordres du juge. Pour la gauche d’ERC qui dirige le parlement en la personne de Roger Torrent, impossible de désobéir une fois de plus à la justice espagnole avec toutes les conséquences qui en découlent. Bilan : le parlement, sur ordre des amis de Puigdemont qui sont en majorité au bureau de l’institution, a fermé ses portes à la fin du mois de juillet.
Octobre
Il était impossible de ne pas convoquer de séance plénière au parlement, tandis que la rue catalane allait célébrer la semaine prochaine l’anniversaire du référendum du 1er octobre. L’équation était à la fois simple et diabolique : soit un accord était trouvé entre les deux formations indépendantistes au sujet du député Puigdemont, ou le président Quim Torra dissolvait le parlement et de nouvelles élections législatives catalanes étaient convoquées. Le gouvernement serait alors tombé.
Lundi soir, alors que les Barcelonais regardaient le feu d’artifice de la Mercè, le président Quim Torra, le vice-président du gouvernement Pere Aragonès (ERC) et le bras droit de Carles Puigdemont, la ministre Elsa Artadi se réunissaient à la Casa dels Canonges, résidence officielle du président de la Catalogne derrière le Palau de la Generalitat. Le triumvirat agissait de concert avec Oriol Junqueras pour ERC, Jordi Sanchez pour Junts Per Catalunya depuis la prison de Lledoners et Carles Puigdemont à Bruxelles.
Carles Puigdemont sera toujours député
Carles Puigdemont a sauvé son siège : les indépendantistes vont utiliser l’article 25 du règlement du parlement. Cette norme prévoit que l’intégralité de la chambre doit se prononcer sur le futur d’un des membres du parlement. Ce sont les 135 députés qui devront voter « oui » ou « non » afin que Puigdemont ne perde pas son mandat de député. Cette astuce légale permet au président du parlement Roger Torrent ne pas désobéir au juge et à Carles Puigdemont de maintenir son siège : les indépendantistes possèdent la majorité au parlement et voteront en faveur de l’ancien président.
Roger Torrent et Carles PuigdemontSéquelles
Une nouvelle bataille qui laisse des traces. Le camp de la gauche en est persuadé : en plus de la manœuvre pour garder son mandat de député Carles Puigdemont a essayé de pousser le président du parlement Roger Torrent dans les cordes. Le but : que Torrent se retrouve à son tour frappé d’inéligibilité par la justice espagnole. Les poids lourds d’ERC sont incarcérés. Roger Torrent est une valeur importante pour le parti. D’où les soupçons envers les rivaux de Junts Per Catalunya pour faire tomber celui qu’ils voient comme un rival.
Symétriquement Carles Puigdemont est persuadé que dans cette affaire la gauche républicaine a essayé de lui porter un coup fatal en lui retirant son dernier mandat électoral.
Depuis le rétablissement de la démocratie en 1980, l’indépendantisme ou le souverainisme catalan mènent une lutte acharnée entre la gauche et la droite pour remporter le contrôle de l’hégémonie du courant séparatiste.