Pedro Sánchez prend la succession de Mariano Rajoy.
C’est la première fois dans l’histoire moderne de l’Espagne qu’une motion de censure prospère. Cet outil parlementaire est une épée à double tranchant. Quand un député vote une motion pour faire tomber le chef du gouvernement, il soutient automatiquement le candidat à la succession. Ainsi, il n’y a pas de vacances du pouvoir. Les socialistes ont déposé la motion et ont présenté leur chef en candidat: Pedro Sánchez. Un attelage disparate de 180 députés socialistes, de la gauche radicale de Podemos et de ses branches locales, des nationalistes basques et indépendantistes catalans, qui ont retiré le pouvoir à Mariano Rajoy pour le donner à Pedro Sánchez.
Fragile
C’est la première fois depuis le rétablissement de la démocratie espagnole qu’un responsable politique accède au pouvoir via une motion de censure, sans gagner les élections et avec un nombre aussi réduit de parlementaires: 84 députés socialistes sur les 350 de la chambre. C’est peu de le dire, que Pedro Sánchez sera le président le plus fragile qu’ait connu l’Espagne moderne.
Le budget général de l’État espagnol a été voté la semaine dernière. Un budget de droite dessiné par les équipes de Mariano Rajoy. Pedro Sánchez n’a aucune marge de manœuvre pour changer un seul millimètre de ce budget, tout comme il n’a aucune majorité stable pour faire passer des lois. Théoriquement, il peut finir le mandat de Rajoy et rester à la Moncloa jusqu’en 2019. Même si des élections peuvent être convoquées à chaque instant, on peut imaginer que Pedro Sánchez restera au pouvoir au moins un an.
Hasard
Ce Madrilène, né le 29 février 1972 possède une licence en sciences économiques. Politiquement, il a toujours été affilié au parti socialiste, conseiller municipal de Madrid avant de devenir député en 2009.
Après les deux mandats de José-Luis Zapatero, cramé par la crise économique, le parti socialiste est malade. Du coup, Pedro Sánchez, illustre inconnu arrive à se faire élire secrétaire général de la formation. Télégénique, Sánchez est invité dans tous les débats politiques, ce qui ne l’empêchera pas de réaliser le plus mauvais score du parti socialiste aux élections de décembre 2015 avec seulement 20,8 % des voix.
Mariano Rajoy a perdu sa majorité absolue. Le Parlement est éclaté entre les conservateurs, les socialistes, la gauche radicale de Podemos et les libéraux de Ciutadans. Pedro Sánchez veut s’allier avec Podemos. La vieille garde de son parti lui interdit et refuse que les socialistes accèdent au pouvoir avec les populistes.
Devant le blocage, une nouvelle législative est organisée. Pedro Sánchez réussit à faire baisser une nouvelle fois le nombre de voix du parti socialiste. Frappé de plein fouet par cette contre-performance, Pedro Sánchez est quasiment expulsé manu militari du parti par la vieille garde réunie autour de l’ancien premier ministre Felipe González. Loin de l’idée de Sánchez de s’allier avec Podemos, le PSOE permet l’investiture de Mariano Rajoy lors du débat parlementaire en septembre 2016.
Pedro Sánchez entame alors une traversée du désert, qui prendra la forme d’une tour d’Espagne à la rencontre des militants avec sa Peugeot 407. Et ça marche. Le 21 mai 2017, avec une ligne très à gauche, il gagne le vote interne au parti socialiste en battant sa rivale centriste qui était soutenue par toute intelligentsia du mouvement. Pedro Sánchez redevient secrétaire général des socialistes et finit sa course en rentrant à la Moncloa, au hasard d’une affaire de corruption de son éternel rival, Mariano Rajoy.