Comment Manuel Valls peut devenir le prochain maire de Barcelone

Manuel Valls peut-il réussir à se faire élire maire de Barcelone? Éléments de réponse. 

L’ancien Premier ministre français a indiqué vendredi qu’il réfléchissait à la proposition du parti de centre-droit Ciutadans de se présenter aux municipales en juin de l’année prochaine. Manuel Valls était encore lundi soir à Barcelone pour recevoir un prix de l’association anti-indépendantiste Societat Civil Catalana.

Il est faux, comme on le lit sur les réseaux sociaux, que Manuel Valls peut se présenter aux municipales grâce à une double nationalité. Valls n’est plus espagnol depuis qu’il a acquis la nationalité française en 1982. C’est le traité de Maastricht qui permet aux citoyens de l’Union Européenne de se présenter aux élections municipales du pays de leur choix, sans posséder pour autant la nationalité.

La démarche de l’actuel député de l’Essonne suit deux logiques. Depuis quelques mois, l’ancien premier ministre parcourt les médias et les scènes de toute l’Espagne pour expliquer tout le mal qu’il pense de l’indépendance de la Catalogne. Les propos de Manuel Valls plaisent aux anti-indépendantistes, ce qui a permis à l’ancien homme de Matignon de jouir d’une certaine popularité dans les médias et les podiums des meetings des entités favorables à l’unité de l’Espagne. En second lieu, Emmanuel Macron a placé sa présidence sous le signe de l’Europe. Le chef d’État français essaya sans succès, la semaine dernière, d’imposer à Angela Merkel, un ministre des finances commun à la France et l’Allemagne. Devenant maire de Barcelone, Manuel Valls serait encore plus européen que Macron lui-même.

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Un triple contexte qui intéresse grandement le parti Ciutadans (C’s). La marque de fabrique du parti orange est sa lutte impitoyable contre les indépendantistes catalans qu’incarne physiquement Manuel Valls. Ciutadans se veut le parti le plus pro-européen en Espagne, et Emmanuel Macron lui-même a avoué que sa personnalité ibérique favorite était Albert Rivera, le leader de CS.

Valls candidat à Barcelone, la boucle est bouclée. Une fois le plan de la candidature posé, Valls peut-il obtenir les suffrages nécessaires à son élection? Contrairement à la France, l’élection municipale espagnole se joue à un tour. La distribution des sièges se fait proportionnellement au résultat obtenu. Le candidat qui obtient la majorité absolue de 21 conseillers municipaux sur les 40 du consistoire devient maire.

Mode de scrutin

Actuellement Ciutadans possède 5 sièges au conseil municipal de Barcelone. Manuel Valls pourra sans grand mal aspirer les voix des socialiste catalans qui, eux, ont 4 conseillers. Aux dernières élections, Ciutadans a siphonné le Partido Popular (PP) de Mariano Rajoy. Les 3 sièges actuels du PP pourraient tomber dans l’escarcelle de Manuel Valls, soit un total de 12 sièges. On reste loin des 21 conseillers municipaux nécessaires à la victoire.

Pour gagner, Valls devra toucher les classes populaires qui ont voté Ada Colau en 2015.  Les quartiers les plus modestes de Barcelone  Horta-Guinardó, Nou Barris, Sant Andreu et Sant Martí ont massivement voté Colau aux municipales pour ensuite se livrer à Inès Arrimadas de Ciutadans aux élections de décembre 2017. L’explication du revirement est simple : avec Ada Colau le vote était essentiellement tourné vers les politiques sociales et avec Arrimadas le but était de bloquer le processus séparatiste. L’objectif de Valls sera de garder ce schéma :  l’enjeu de la municipale sera de livrer ou non la capitale de la Catalogne aux indépendantistes. Carles Puigdemont, surtout si la justice allemande le laisse libre de ses mouvements, pourra alors entrer dans la danse.

Très intéressé par l’internationalisation du conflit indépendantiste en utilisant une personnalité du calibre de Manuel Valls, on peut facilement présager que Carles Puigdemont interviendra régulièrement  à distance dans la campagne pour tenir des propos chocs afin de cliver la campagne municipale dans un nouveau plébiscite pro ou anti-indépendance.  Si un front anti-séparatiste se met en place à Barcelone en vidant Ada Colau de ses électeurs, une victoire de Valls est possible.

Parachutage compliqué

Pour autant, la partie ne sera pas facile. Le déménagement de Manuel Valls d’Evry à Barcelone ne passera pas inaperçu. Ses opposants arguent déjà que Valls ne connait pas Barcelone. Qu’il a passé toute sa vie en France. Qu’il a subi un certain nombre d’échecs, notamment son revers à la primaire socialiste pour la présidentielle et son relatif isolement politique en France. De par ses manières plutôt brusques, Manuel Valls pourrait rapidement tomber dans une image de « colonisateur français » qui débarque dans un pays qui n’est pas le sien. Par ailleurs, il sera intéressant de voir comment vont voter les plus de 15.000 Français inscrits sur les listes électorales barcelonaises.  Depuis la déclaration d’indépendance, le nombre de Français qui remplit les démarches administratives pour voter est en sensible augmentation. Et jusqu’au 31 décembre prochain, il est possible de s’inscrire. Eux aussi devront choisir : le soutien à l’indépendance ou Manuel Valls.

Dans les jours qui viennent, Manuel Valls devra confirmer s’il se présente ou non. En cas de choix négatif, l’humiliation pour Ciutadans serait majeure. L’annonce de vendredi a eu un retentissement dans toute l’Europe. Albert Rivera en personne s’en est félicité. Rendre publique une négociation politique pour finalement la décliner serait singulier. Lundi soir, malgré l’insistance des journalistes français et espagnols, Manuel Valls n’a voulu répondre à aucune question.

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