Jordi Turull, probable futur président de la Catalogne

Après trois mois d’imbroglios, c’est finalement Jordi Turull, ancien porte-parole du gouvernement lors de la précédente législature, qui devrait devenir président de la Catalogne la semaine prochaine. Le parcours reste cependant semé d’embûches. 

Le parlement catalan devrait enfin investir la semaine prochaine le 131e président de la Catalogne. Afin de former un gouvernement et lever l’article 155 de la Constitution qui suspend l’autonomie politique de la Catalogne, Carles Puigdemont, qui est arrivé en tête des forces indépendantistes le 21 décembre dernier a le poids politique pour proposer un candidat, suite à son retrait dû à l’impossibilité de quitter la Belgique sans se faire arrêter par la police.

Pour mettre la pression sur la justice espagnole, il a tenté de faire investir son numéro deux, Jordi Sànchez, qui est emprisonné à Madrid suite aux événements des mois de septembre et octobre dernier. Le juge Pablo Llarena en charge du dossier a refusé une libération du candidat Sànchez, rendant l’investiture impossible. Depuis de nombreuses semaines circulait, en plan C, le nom de Jordi Turull, porte-parole du précédent gouvernement. Hier soir, nos confrères du pure-player Nació Digital affirmaient que les forces indépendantistes proposeraient mercredi ou jeudi prochain la candidature de Turull au parlement.

L’arithmétique de l’investiture

Ce sont les députés catalans qui investissent le président. Le camp contraire à l’indépendantisme dispose de 65 sièges répartis entre Ciutadans, les socialistes, Podemos et le Partido Popular. Les deux partis indépendantistes ont passé un accord gouvernemental (Junts per Catalunya de Carles Puigdemont et la gauche d’ERC), ils disposent de 66 sièges, donc logiquement la majorité. Mais Carles Puigdemont et l’ancien ministre de la Santé Toni Comín sont tous deux députés et exilés à Bruxelles. Ils ne peuvent donc pas voter. Le camp indépendantiste se retrouve alors à 64 sièges contre 65 des unionistes. Il doit aller supplier l’extrême gauche de la CUP afin qu’avec ses quatre députés, elle facilite l’investiture. Sauf que la CUP estime que le programme électoral de Junts per Catalunya et d’ERC n’est pas assez indépendantiste.

La formation anti-capitaliste avait annoncé une abstention pour l’investiture de Jordi Sànchez. Jordi Turull étant un proche d’Artur Mas, l’abstention de la CUP serait plus compliquée et le parti pourrait voter non à l’investiture, bien que Turull ait passé un mois en prison suite à la déclaration d’indépendance et reste sous contrôle judiciaire. Pour que l’investiture ne soit pas un flop, il faut que les quatre députés de la CUP maintiennent donc leur abstention et que Carles Puigdemont et Toni Comin démissionnent de leur mandat de député afin que deux nouveaux parlementaires les remplacent et fassent ainsi passer le nombre de députés indépendantistes à 66 contre les 64 unionistes. La séance plénière d’investiture devrait commencer mercredi ou jeudi prochain pour finir en plein week-end de Pâques.

Turull, un indépendantiste convaincu

Natif de Parets del Vallès, dans la province de Barcelone, Jordi Turull, 51 ans et avocat de formation, est devenu avec le temps un des plus fidèles bras droit de l’ancien président Carles Puigdemont.

Marié et père de deux filles, il est élu député au Parlement de Catalogne en 2004, dans le groupe du parti d’Artur Mas. Jordi Turull, ce faux calme, se fait alors connaître comme l’un des députés d’opposition les plus agressifs dans sa critique du gouvernement tripartite de gauche qui a ravi la Generalitat à la droite nationaliste catalane. Fonceur, il lance une polémique sur l’«utilité douteuse» de nombreux rapports commandés par le gouvernement espagnol. Petit à petit, celui qui ne se faisait jamais remarquer acquiert une certaine notoriété.

turull

Sa participation à deux commissions d’enquête parlementaire sur des questions politiquement sensibles: l’enquête sur l’incendie d’Horta de Sant Joan qui recherche les responsabilités dans la mort de cinq pompiers et celle sur l’affaire du Palau de la Música lui attire la reconnaissance de son parti. Artur Mas l’observe attentivement. En 2010, lorsque Mas accède à la présidence de la Generalitat, il le choisit comme porte-parole du groupe parlementaire. Jordi Turull devient alors un des membres du cercle restreint des personnes de confiance du nouveau président.

D’habitude modéré sur les questions d’indépendance, son positionnement politique évolue très rapidement vers le séparatisme au moment où cette idée recueille un soutien croissant dans la société catalane. Membre d’Omnium Cultural, l’association indépendantiste dont le président est aussi emprisonné, Jordi Turull se fait connaître du grand public lorsqu’il se rend au Congrès des députés à Madrid pour défendre le droit à l’autodétermination de la Catalogne. Alors qu’il était considéré comme un homme au tempérament prudent, Jordi Turull apparaît plus intransigeant lorsqu’il est chargé de soutenir le processus indépendantiste. Sa vie politique est étroitement liée à l’évolution sociale du séparatisme.

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Après avoir été nommé président du groupe parlementaire Junts pel Sí, la coalition politique indépendantiste catalane, il succède à Neus Munté après des tensions internes du parti aux fonctions de ministre à la présidence et porte-parole du gouvernement. Sa popularité au sein du parti se doit à ses qualités. Ses collègues parlent de lui comme un homme discret, efficace et fiable. En clair, Jordi Turull ne fait pas de bruit mais surtout pas d’ombre. Comme ses collègues gouvernementaux, il a passé un mois de prison préventive après la déclaration d’indépendance du 27 octobre.

Actuellement, il doit pointer au commissariat chaque semaine, ne peut plus quitter le territoire espagnol et s’est fait confisquer son passeport par le juge. Lors du procès qui se tiendra dans un an, il risque jusqu’à 30 ans de prison pour rébellion et sédition. S’il est investi président de la Catalogne la semaine prochaine, Jordi Turull ne finira probablement pas son mandat de quatre ans car il sera frappé d’une peine d’inéligibilité lors du procès et devra démissionner de son poste.

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