Carles Puigdemont ne demande plus au parlement catalan de l’investir président de la Catalogne. Il nomme Jordi Sanchez comme son successeur. En revanche Carles Puigdemont deviendra président du conseil de la République depuis Bruxelles.
Dans une vidéo enregistrée depuis Bruxelles et diffusée sur les réseaux sociaux, Carles Puigdemont qui se présente comme le président en fonction de la Catalogne annonce faire un pas de côté. Ce matin, l’homme de Bruxelles a été reconnu symboliquement président par le parlement de Catalogne. Auréolé de la reconnaissance de la représentation du peuple de Catalogne, Puigdemont va diriger depuis Bruxelles le conseil de la République catalane, une institution privée ayant pour but de propager le message indépendantiste internationalement.
Pour lui succéder à la tête du gouvernement de Catalogne, Carles Puigdemont a choisi le numéro deux de sa liste électorale : Jordi Sanchez. Cet ancien leader de l’Association indépendantiste ANC est incarcéré à Madrid depuis le 16 octobre dans le cadre des événements du processus indépendantiste. Si dans son message vidéo Carles Puigdemont, demande au président du parlement Roger Torrent d’enclencher le processus d’investiture de Jordi Sanchez, il n’est pas sûr que la démarche aboutisse.
Devant l’éventualité d’une présidence Sanchez depuis la prison, plusieurs ministres espagnols ont d’ores et déjà annoncé que l’article 155 de la constitution qui suspend l’autonomie de la Catalogne depuis sa déclaration d’indépendance ne serait pas levé. Le gouvernement espagnol considère que l’article 155 disparaîtra quand la Catalogne rentrera dans le cadre institutionnel en se trouvant un président que ne désobéisse pas aux lois constitutionnelles. Une condition qui n’est pas remplie, selon Madrid, par Jordi Sanchez qui se trouve en prison.
La première étape sera de demander la libération de Jordi Sanchez pour qu’il puisse assister aux débats de son investiture au sein du parlement catalan. Selon des sources proches du Tribunal suprême et reprises par la presse catalane, le juge Pablo Llarena rejettera cette requête.
Si finalement il est impossible d’investir Jordi Sanchez, le secteur modéré de l’indépendantisme réclame le choix d’un candidat vierge de toutes poursuites judiciaires, comme par exemple le bras droit de Carles Puigdemont Elsa Artadi. D’aucuns soupçonnent Carles Puigdemont de chercher à faire investir un candidat qui est en prison afin de gagner du temps et que l’attention continue de se porter sur sa propre personne. Puigdemont cherche également à démontrer que l’État espagnol use sans cesse de répression en bloquant une nouvelle fois une investiture présidentielle catalane.
Bonus Track : le portrait de Jordi Sanchez
Cet enseignant de sciences politiques âgé de 53 ans a consacré une large partie de sa vie à la cause indépendantiste. C’est lorsque Carme Forcadell a été investie présidente du parlement que Sànchez s’est retrouvé sous la lumière des projecteurs en prenant sa place à la tête de l’association indépendantiste ANC. Et ce sont ses actions à la tête de l’ANC qui l’ont conduit en prison. Le 4 octobre 2017, Jordi Sànchez est mis en examen pour délit de sédition par rapport aux événements du 20 septembre dernier durant l’opération Anubis. Ce jour-là, les agents espagnols de la Guardia Civil venaient perquisitionner les locaux du ministère de l’Economie catalan afin d’empêcher le référendum du 1er octobre. Sànchez est accusé d’avoir incité la foule à bloquer la sortie des policiers espagnols durant près de 24h.
Placé en détention provisoire depuis le 16 octobre dans la prison madrilène Soto del Real, son séjour carcéral a été mouvementé. Il a demandé un changement de cellule une première fois, car un voisin carcéral a hurlé «¡Viva España!». Refus de la direction de la prison. Il a fait une seconde demande de changement qui cette fois-ci a été acceptée par l’administration pénitentiaire. Jordi Sànchez était incommodé par son compagnon de cellule Rodolfo Cachero, un Asturien de 71 ans accusé de fraude fiscale, qui fumait cigarette sur cigarette. Le règlement de la prison prévoit des cellules non-fumeurs. La troisième demande de changement vient cette fois-ci du prisonnier qui partageait sa cellule. Un Péruvien s’est plaint auprès de la direction de subir une “double peine”: vivre enfermé et en plus avec quelqu’un qui ne parle que de l’indépendance de la Catalogne. C’était trop pour ce détenu qui a demandé que l’on déménage Jordi Sànchez.
Le 20 novembre, l’indépendantiste a vécu une scène effrayante. Lors d’une messe, un prisonnier a sorti une arme artisanale (quatre lames de rasoirs scotchées sur un couteau en plastique) pour la planter dans le cou d’un autre détenu. Le tout à quelques mètres de Sànchez. Il s’agissait d’une tentative d’homicide au sein d’un gang dominicain. Le prisonnier blessé a fini à l’hôpital de La Paz madrilène. En dernier lieu, Jordi Sànchez a dû passer en commission disciplinaire pour avoir caché du courrier dans sa cellule. Dans une tribune publiée dans le journal catalan Ara, il s’est également plein de l’inconfort de la prison où les nuits sont particulièrement glaciales.
Bonus Track 2 : la vidéo de Carles Puigdemont