Les leaders indépendantistes jettent l’éponge

A moins de trois semaines de la session d’investiture du prochain président de la Catalogne, de nombreuses têtes d’affiches indépendantistes quittent la scène politique.

Hémorragie au sein du camp indépendantiste. La sévérité de la justice espagnole qui a rejeté la demande de mise en liberté de l’ancien vice-président Oriol Junqueras et la longévité de la détention provisoire des « Jordis » -près de trois mois- fait souffler un vent glacial sur les partis séparatistes. Les juges du Tribunal suprême ont décidé de faire un exemple en maintenant sans délai en prison préventive les responsables indépendantistes. Dans son délibéré, le tribunal a été très clair : pour sortir de prison il faudra qu’Oriol Junqueras abandonne la politique.

Message d’avertissement pour Carles Puigdemont et ses anciens ministres en exil à Bruxelles. L’avertissement vaut aussi pour les membres de l’ancien gouvernement qui sont en liberté provisoire après avoir payé une caution, et les personnalité impliquées dans le processus indépendantiste. L’heure est aux détentions provisoires. Le procès en lui-même aura probablement lieu dans moins d’un an et les peines peuvent être radicalement lourdes. Des peines de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans, des amendes se chiffrant en millions d’euros et des années d’inéligibilité planent au-dessus des têtes de la classe politique indépendantiste.

Départs

Mardi, la semaine a commencé avec un double départ. Artur Mas, probablement l’homme qui a le plus influencé la vie politique catalane ces dix dernières années, a tiré sa révérence.

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L’ancien président de la Catalogne, qui a initié le processus séparatiste en 2012, est déjà été largement frappé par la justice espagnole pour avoir organisé une consultation populaire indépendantiste en novembre 2014. Peine d’inéligibilité, amende record de 3 millions incluant la saisie de son appartement de la carrer Tusset de Barcelone, Artur Mas a voulu stopper les frais et a démissionné du dernier mandat qui le reliait à la vie politique : la présidence de son parti.

Le même jour, c’est à gauche de l’échiquier politique qu’une figure aussi sort du jeu : l’ancien ministre de la justice Carles Mundó se retire définitivement. Après avoir passé des semaines en prison suite à la déclaration d’indépendance, Mundó était pressenti pour jouer un grand rôle lors de la prochaine législature. Son retrait est un coup dur pour son parti Esquerra Republicana de Catalunya (ERC).

Le lendemain, c’est la présidente de l’Association des Municipalités Indépendantistes (AMI) Neus Lloveras qui annonce vouloir mettre un terme à son engagement politique. Cette proche de Carles Puigdemont, qui va être convoquée dans les prochains jours par le Tribunal suprême pour son rôle dans la feuille de route séparatiste, souhaite abandonner la présidence de l’AMI. Elle ne veut pas non plus siéger en tant que députée (alors qu’elle est élue sur la liste de Puigdemont) et ne se représentera pas aux municipales dans sa ville de Vilanova i la Geltrú où elle est actuellement maire.

Jeudi a été une nouvelle journée noire pour le souverainisme catalan. En début de journée, Carme Forcadell, la présidente du parlement sortant, était invitée par Carles Puigdemont à briguer de nouveau la présidence de la chambre. Forcadell, qui a échappé de justesse à la prison préventive en payant une caution de 150.000 euros a décliné l’offre, sur conseil de ses avocats. L’abandon de la pasionaria et égérie du nationalisme catalan est une lourde perte.

Le même jour étaient convoqués au Tribunal suprême, Jordi Sanchez (président de l’ANC), Jordi Cuixart (président d’Omnium) et l’ancien ministre de l’Intérieur catalan Joaquim Forn pour demander leur remise en liberté.

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Jordi Sanchez a promis devant le juge qu’il abandonnerait son siège de député (élu sur la liste de Puigdemont) si des politiques indépendantistes unilatérales étaient mises en oeuvre. Jordi Cuixart, qui a organisé les dizaines de manifestations indépendantistes de ces dernières années, affirme devant ses juges que le seul référendum légal sera organisé par l’État espagnol. L’ancien ministre de l’intérieur, le jusqu’au-boutiste Joaquin Form, a lui aussi changé de discours : il n’a jamais ni voté, ni signé une quelconque déclaration d’indépendance. Tout ce qu’il s’est passé le 27 octobre n’était que symbolique, et légalement la Catalogne n’est pas indépendante. Lui aussi élu député sur la liste de Puigdemont, il a déclaré « qu’il descendrait du train » si le prochain gouvernement prenait des mesures séparatistes unilatérales.

Malgré toutes ces positions consensuelles, il est peu probable que le juge Lamela les libère à court terme.

Puigdemont et la présidence

La politique ayant horreur du vide, ces renoncements compliquent le projet d’investiture de Carles Puigdemont pour redevenir président.

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Il est de plus en plus improbable que Puigdemont revienne sur le sol espagnol, tant son incarcération serait immédiate et pourrait durer jusqu’au début du procès. Désespérément, Puigdemont tente de se faire investir sans quitter Bruxelles.

Contrairement à la France, on ne vote pas directement pour un président mais pour des députés qui votent ensuite pour investir un président. La séance d’investiture aura lieu le 31 janvier prochain. Sans que le règlement de la chambre le stipule directement, la pratique parlementaire veut que le candidat à la présidence soit présent physiquement dans l’hémicycle. Toute tentative de modification du règlement vaudra un recours du gouvernement espagnol devant le Conseil constitutionnel suspendant de facto l’investiture.

Sauf coup de théâtre, l’hypothèse d’une présidence Puigdemont s’éloigne. Devant le vide sidéral qu’a laissé la déclaration d’indépendance, si Puigdemont est finalement écarté, il faudra trouver une personnalité compétente pour diriger la politique catalane. Concernant la présidence du parlement, devant le renoncement de Carme Forcadell, l’ancien socialiste Ernest Maragall, devenu proche de Junqueras, semble tenir la corde. Pour la présidence de la Catalogne, les deux anciens ministres Jordi Turull et Josep Rull, malgré leurs semaines d’incarcération, semblent vouloir continuer d’implanter la République catalane. Ce serait une solution à court terme, le procès qui les attend devrait les rendre inéligibles. Elsa Artardi, spécialiste en économie et nouveau bras droit de Puigdemont, a l’avantage de ne pas être poursuivie par la justice. Elle serait la première femme présidente de la Catalogne.

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