En forte baisse dans les dernières enquêtes, Carles Puigdemont va-t-il apparaître sur le sol catalan pour relancer sa candidature?
A 24 heures du scrutin historique qui déterminera le futur de la Catalogne, l’ancien président Carles Puigdemont joue gros. Les indépendantistes se présentent sur trois listes distinctes. Celle de Carles Puigdemont (Junts Per Catalunya – Ensemble pour la Catalogne), celle de l’ancien vice-président du gouvernement catalan, actuellement incarcéré suite à l’organisation du référendum du 1er octobre Oriol Junqueras (ERC – La gauche républicaine indépendantiste) et enfin l’extrême-gauche de la Cup. Selon les dernières enquêtes qui circulent (interdites de diffusion dans la presse par la loi électorale), les chiffres sont mauvais pour l’ancien président largement distancé par Oriol Junqueras et par la liste anti-indépendance de Ciutadans.
Il semblerait que l’exil de Puigdemont lui porte un préjudice électoral. Une certaine image de lâcheté qui a été sublimement soulignée avant-hier par Oriol Junqueras. Dans le cadre des appels téléphoniques autorisés par l’administration pénitentiaire, Junqueras est passé lundi sur Catalunya Radio pour déclarer « qu’il était en prison car il ne se cachait pas. » Sous-entendu : Puigdemont est en liberté car il a fui. Piqué au vif, l’ancien président a répondu hier, aussi sur Catalunya Radio, « qu’il était en exil à Bruxelles exactement pour les mêmes faits qui ont conduit Junqueras en prison ». « Nous ne nous cachons pas et nous tenons tête à Rajoy » a affirmé l’ancien locataire du Palau de la Generalitat.
Stratégie
La stratégie de la campagne de Carles Puigdemont, dessinée par Elsa Artadi, la nouvelle muse de l’indépendantisme et le directeur de communication de la Generalitat Jaume Clotet, est à double tranchant. L’idée au départ était d’insister sur l’exil de Puigdemont. Clin d’oeil appuyé au sentimentaliste historique du catalanisme.
Les prédécesseurs de Puigdemont ont aussi vécu une période d’exil : Francesc Macià en 1926 à Bruxelles et Lluis Companys en 1939 à La Baule-les-Pins en France. Carles Puigdemont comptait donc faire sa campagne en s’insérant dans le récit national catalan qui passe par le retrait à l’étranger quand la répression espagnole devient trop forte. Sauf que les équipes de la liste concurrente de Junqueras ont rapidement répliqué qu’en cas de victoire électorale, Carles Puigdemont ne pourrait pas gouverner la Generalitat. Pour ERC, il est plus sûr de voter pour Junqueras qui deviendra président s’il sort de prison. En cas de sévérité de la justice espagnole, Junqueras a désigné sa numéro deux pour le remplacer à la présidence : Marta Rovira. ERC devient donc le vote utile.
Vers un retour de Puigdemont
Du coup changement de stratégie. Artadi et Clotet ont « normalisé » la campagne de Puigdemont. Duplex de l’ancien président qui apparaît dans tous les meetings, photos sur les réseaux sociaux de Puigdemont qui suit les matchs de foot catalans depuis des bars de Bruxelles, assiste à des opéras. Carles Puigdemont ajoute qu’il reviendra en Catalogne au parlement s’il est vainqueur des élections. ERC a donc adapté son argumentaire laissant sous-entendre que Carles Puigdemont avait fui tandis qu’Oriol Junqueras, lui, assumait ses responsabilité en se faisant incarcérer. Pour souligner le trait, un des meetings finaux d’ERC a eu lieu à Madrid -une première dans une élection catalane- devant la prison d’Estremera où dort Junqueras.
Pour inverser la vapeur, un certain nombre de conseillers de Puigdemont lui conseillent de revenir sur le sol catalan. Dans les milieux de l’indépendantisme, on s’attendait à un retour du président déchu dans les derniers jours de la campagne afin de participer à un meeting. Le supposé retour de Carles Puigdemont en Espagne a même déclenché une cellule de crise au sein du ministère de l’Intérieur espagnol qui a renforcé les contrôles à la frontière française pour arrêter l’ancien président. Les avocats de Puigdemont lui conseillent toutefois de ne pas quitter la Belgique.
Carles Puigdemont va-t-il essayer de revenir le jeudi 21 décembre à Gérone pour déposer son bulletin de vote, se faire arrêter et finir de bouleverser un scrutin déjà instable? La politique catalane nous a enseigné que tout était possible.