Selon les derniers sondages concernant les élections du 21 décembre, la société catalane apparaît clairement coupée en deux entre les indépendantistes et les unionistes. Décryptage.
Le 21 décembre au soir, le camp indépendantiste et le bloc unioniste risquent de se regarder en chiens de faïence. Les sondages annoncent à ce jour une quasi égalité des deux camps. D’ici le 21 décembre, des événements peuvent toutefois modifier la donne.
D’un côté, les partis indépendantistes. La liste de gauche républicaine (ERC) avec à sa tête l’ancien vice-président incarcéré et sa numéro deux Marta Rovira obtiennent en moyenne 26,3% des votes selon les deux derniers sondages (Metroscopia et NC Reports) que nous utilisons dans notre analyse. La seconde liste indépendantiste, Junts Per Catalynua (JPC), emmenée par Carles Puigdemont depuis la Belgique peut compter entre 13,2 et 13,6% des voix. Le bal séparatiste se referme avec l’extrême-gauche de la Cup et son score entre 5,9 et 6,3 % des suffrages. Soit un total entre 43,2 et 45,4% pour la totalité des listes voulant le divorce entre l’Espagne et la Catalogne.
De l’autre bord, les partis unionistes. Ines Arrimadas et son parti Ciutadans, classé à droite, obtient entre 20,9% et 25,3 % des voix. Le socialiste Miquel Iceta peut compter sur un score allant de 12,7 à 15,1%. Enfin le représentant de Mariano Rajoy en Catalogne, Xavier Albiol, offrirait entre 8,3% et 9,5% à son Partido Popular. Au total les listes prônant l’union entre la Catalogne et l’Espagne peuvent espérer réaliser une moyenne de 46% si l’on croise les différentes enquêtes. Plus la participation sera élevée, plus le bénéfice sera grand pour les unionistes.
La proportionnelle à un tour
Le système électoral catalan (comme l’espagnol) est extrêmement différent du mode de fonctionnement français. L’élection se joue à un tour, et les listes reçoivent un nombre de députés proportionnel (avec quelques nuances au niveau du découpage des circonscriptions) à leur pourcentage obtenu. L’élection du 21 décembre envoie 135 députés au parlement catalan, qui finalement voteront pour élire le président de la Catalogne. Pour être investi, le candidat doit obtenir une majorité absolue de 68 votes. Au vu de l’éclatement électoral, le vainqueur devra forcément former des alliances pour obtenir ces 68 suffrages.
Selon notre analyse basée sur les deux sondages précités, ERC obtiendrait entre 39 et 41 députés, JPC entre 20 et 21, La Cup entre 6 et 7. Soit un total entre 65 et 69 députés pour le camp indépendantiste, qui flirte avec la majorité absolue.
Ciutadans peut avoir entre 28 et 35 élus. Les socialistes 19, et le Partido Popular entre 6 et 11. Une fourchette basse de 53 et une fourchette haute de 65. Très serré pour obtenir une majorité. L’arbitre de ce duel va être Catalunya en Comu. La branche locale de Podemos associée à une ribambelle de partis de gauche radicale sous la bénédiction d’Ada Colau peut espérer avoir entre 8 et 11 élus. Les amis de la maire de Barcelone sont des adeptes du Ni-Ni. Ni indépendantistes, ni unionistes. Ils refusent de se positionner et font des clins d’oeil aux deux secteurs.
Des coalitions complexes
Pour former une coalition post-électorale, ce sont les indépendantistes qui ont la plus grande marge de manœuvre. Ils ont gouverné ensemble dans le gouvernement précédent et refuser de s’unir si ils obtiennent la majorité absolue serait considéré comme une trahison pour les près de 2 millions d’électeurs indépendantistes. Le mieux placé pour le moment semble être le leader de la gauche ERC, Oriol Junqueras. En qualité de liste obtenant le plus de votes, c’est lui qui aurait la main pour tenter de former un gouvernement.
Deux chemins s’ouvrent devant lui : une coalition indépendantiste pur jus avec les amis de Carles Puigdemont et les anarchistes de la Cup. On s’inscrirait alors dans une espèce de continuité de la situation actuelle. Cependant au vu de la répression de l’Espagne, ERC pourrait tenter la grande coalition des gauches avec Podemos et les socialistes. L’indépendantisme resterait au second plan et ERC travaillerait sur un programme très social.
Carles Puigdemont et son Junts Per Catalunya restent en embuscade et possèdent une fenêtre de tir beaucoup plus étroite. Pour arriver de nouveau à la présidence, Puigdemont devrait dépasser ERC en nombre de voix. Ce qui parait compliqué puisqu’actuellement Junqueras fait le double de Puigdemont. Attention, à trois semaines du vote, des rebondissement spectaculaires, comme un retour de Puigdemont en Catalogne et son incarcération, pourraient changer la donne. Cependant pour Junts Per Catalunya, les accord électoraux, vu le passé de Puigdemont, seraient plus compliqués. Seuls la Cup et ERC accepteraient d’investir Puigdemont.
Au niveau unioniste le bras de fer se joue entre la libérale Inès Arrimadas et le socialiste Miquel Iceta. Selon nos sondages, la leader de Ciutadans devrait obtenir plus de suffrages que Miquel Iceta. Cependant ce dernier peut réussir à doubler Arrimadas sur sa gauche en obtenant le support de Podemos, ce qui semble impossible pour Cuitadans classé trop à droite. Le Partido Popular votera pour n’importe quel candidat qui ne soit pas indépendantiste.
De fait donc, le socialiste Miquel Iceta a plus de chance de devenir le 131e président de la Catalogne qu’Inès Arrimadas en cas de poussée unioniste.