Les conséquences d’une nouvelle majorité indépendantiste aux élections

Selon deux sondages publiés ce lundi, les forces indépendantistes revalideraient leur majorité absolue le 21 décembre prochain lors des élections parlementaires catalanes.

Deux instituts de sondages publient ce jour une enquête relative au scrutin à haut risque du 21 décembre prochain. GESOP pour le journal El Periódico donne entre 71 et 74 députés indépendantistes. Parallèlement GAD3 pour le quotidien ABC estime entre 66 et 69 parlementaires séparatistes. La majorité absolue se situant à 68 sièges sur les 135 que compte le parlement catalan, les indépendantistes seraient en mesure de former un nouveau gouvernement séparatiste, même si les stratégies électorales post-21 décembre ne sont pas encore affinées.

Qui pour présider la Catalogne?

Les indépendantistes se présentent sur trois listes distinctes. L’affrontement pour la première place se joue entre la candidature de Carles Puigdemont depuis son exil belge et son ancien vice-président Oriol Junqueras, actuellement en détention préventive à Madrid dans le cadre des poursuites du parquet espagnol pour sédition, rébellion et malversation.

Les sondages donnent entre 24 et 25 sièges pour l’ancien président. Le thème de sa campagne se décline sous l’angle Puigdemont, le président légitime à la tête du gouvernement légitime en exil ou en prison. A un mois du scrutin, il semblerait que la liste la plus radicale pour poursuivre le processus indépendantiste sous sa forme actuelle soit celle de Puigdemont.

La liste séparatiste concurrente est celle de la Gauche Républicaine Indépendantiste (ERC) avec à sa tête Oriol Junqueras, incarcéré. L’ancien vice-président a désigné pour faire campagne et éventuellement présider la Generalitat son bras droit, la mécanicienne de la déclaration indépendance, Marta Rovira. L’angle de la campagne d’ERC semble être plus modéré : continuer le processus indépendantiste mais sur le long terme. Certains dans le parti suggèrent de planifier un scénario graduel et progressif qui conduirait à l’indépendance de la Catalogne dans une quinzaine d’années et d’éviter les déclarations chocs et unilatérales de ces deux dernières années.

ERC tend la main à la branche locale de Podemos pour former un grand gouvernement de gauche. Marta Rovira reste évasive sur le fait de gouverner ou non avec les amis de Carles Puigdemont. Élément de langage pour ne pas être taxés de traîtres, les dirigeants d’ERC affirment que les élections du 21 décembre permettront de former un gouvernement exécutif qui sera sur le terrain, tandis que Carles Puigdemont et ses anciens ministres en exil formeront eux une espèce de présidence en exil ayant un rôle politique symbolique.

Dans tous les cas, Puigdemont ne peut pas rentrer volontairement en Espagne. Il serait arrêté par la police espagnole en posant le pied à l’aéroport du Prat. L’extradition belge ne devrait pas avoir lieu avant la mi-janvier. Pour les anciens ministres en prison, la situation n’est pas plus confortable. Pour espérer être libérés de leur incarcération préventive, Oriol Junqueras et les anciens « consellers » devraient montrer patte blanche en reniant la déclaration d’indépendance. Compliqué en pleine campagne électorale. Si les politiques qui sont en prison préventive ou en exil peuvent se présenter aux élections, en revanche ils ne pourront pas siéger au parlement. Ils devront donc démissionner et laisser leur place avant le début de la législature.

Comme en 2015, l’arbitre indépendantiste devrait être l’extrême-gauche de la Cup, la troisième liste indépendantiste, qui se verrait créditée de 5 à 8 députés. En toute logique l’extrême-gauche devrait soutenir la gauche d’ERC, mais l’ancien président Puigdemont est en excellents termes avec les anti-capitalistes, avec lesquels il a travaillé main dans la main lors de la dernière législature.

Les anti-indépendance en embuscade

Les anti-indépendance arrivent eux aussi en ordre dispersé. La chef de l’opposition Inés Arrimadas, qui se voit comme la « Macron catalane », se représente en espérant améliorer son score de 2015 et ses 25 députés, le plus important groupe parlement non indépendantiste.

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Ines Arrimadas lors d’une interview Equinox © A.Eymes/Equinox

Les sondages donnent entre 24 et 30 sièges à Ciutadans. La concurrence est rude, le socialiste Miquel Iceta fait l’ouverture à droite en recrutant les anciens amis d’Artur Mas, les nationalistes-conservateurs catalans : Duran et Espadaler. A un mois du scrutin les socialistes pourraient avoir entre 19 et 25 sièges. La droite conservatrice de Mariano Rajoy au pouvoir en Espagne est représentée par Xavier Garcia Albiol. Il refermerait le bal avec un groupe de 6 à 11 élus.

Cas à part, la branche locale de Podemos, Catalunya en Comú, adopte la position du Ni-NI. Ni indépendantiste, ni unioniste. Le chef de file Xavier Domenech pourrait obtenir entre 8 et 10 députés. Si les indépendantistes d’ERC présentaient un programme ultra-modéré sur la question séparatiste, Podemos pourrait entrer dans une coalition. On en est encore loin aujourd’hui.

Junts Per Catalunya, la liste de Carles Puigdemont

L’ancien président en exil à Bruxelles Carles Puigdemont a monté sa propre liste Junts Per Catalunya (JPC – Ensemble pour la Catalogne). L’ancien locataire du Palau de la Generalitat fera campagne depuis la capitale belge, en collaboration avec son parti le PDeCAT qui gérera la logistique à Barcelone. Carles Puigdemont tente d’internationaliser le processus indépendantiste en donnant des interviews en français sur les médias belges, les journalistes catalans faisant eux le déplacement à Bruxelles pour rencontrer l’ancien président. Il se dit que Puigdemont tenterait de faire un meeting à Barcelone via un hologramme. Une technique qu’avait utilisé Jean-Luc Mélenchon durant la dernière campagne présidentielle française.

Le numéro 2 de la liste Junts Per Catalunya est en prison. Jordi Sanchez, président de l’association independantiste ANC, est en détention provisoire depuis plus d’un mois dans le cadre de l’enquête concernant les événements autour de l’organisation du référendum du 1er octore. Tous les anciens ministres appartenant au parti de Puigdemont, le PDeCAT, figurent sur la liste JPC : Jordi Turull (ex porte-parole du gouvernement), Josep Rull (aménagement du territoire), Joaquim Forn (intérieur). En revanche, l’ancienne ministre de la fonction publique, Meritxell Borrás, également incarcérée, jette l’éponge et a refusé d’être sur la liste de Puigdemont.

Les deux anciens ministres en exil à Bruxelles proches du PdeCat Clara Ponsatí (éducation) et Lluís Puig (culture) seront eux présents sur la liste. Bien que soutenu par le PDeCAT, aucun poids lourd du mouvement ne figurera sur la liste de Puigdemont qui choisit les noms d’une manière personnelle.

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Carles Puigdemont lors d’une interview sur Equinox © S.Sanchez/Equinox

On retrouve en revanche l’actuel « ambassadeur » catalan à Paris, le journaliste Marti Anglada; l’ancien ministre de la Culture d’Artur Mas, Ferran Mascarell;  le directeur de la radio catalane Rac1 Eduard Pujol; la directrice de l’Institut des Lettres Catalanes Laura Borràs; le chef du restaurant barcelonais Fermí Puig; l’écrivain Jaume Cabré; et un des cerveaux de la déclaration d’indépendance du 27 octobre Elsa Artadi.

ERC, la liste d’Oriol Junqueras

Les compagnons de cellules de l’ancien vice-président Oriol Junqueras sont présents sur la liste d’ERC : Raül Romeva (affaires étrangères), Carles Mundó (justice), Dolors Bassa (travail). Paradoxalement l’ancien ministre de la santé Tomi Comin et Meritxell Serret (agriculture) présents en exil aux côtés de Puigdemont seront sur la liste de Junqueras.

La numéro 2 qui fera campagne dans les médias est le bras droit de Junqueras : Marta Rovira. L’ancienne présidente du parlement Carme Forcadell occupe le poste numéro 4 de la liste. L’ancien ministre socialiste de la santé Ernest Maragall sera aussi présent sur la liste.

ERC a également passé un accord sur sa gauche avec les socialistes de Moviment d’Esquerres et les centristes de Democrates. Tous indépendantistes.

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