Ce que l’on appelle en Espagne, « le problème catalan » ne date pas d’aujourd’hui. Depuis des siècles, la Catalogne revendique son identité propre. Un des points culminant a eu lieu il y a 83 ans, jour pour jour avec une déclaration d’indépendance du président de la Catalogne Lluis Companys.
Hasard du calendrier. Alors que le parlement de Catalogne va déclarer mardi prochain, selon toute vraisemblance son indépendance, une proclamation avortée a eu lieu il y a 83 ans : le 6 octobre 1934.
Au sortir de la dictature espagnole de Primo de Rivera, le roi Alfonso XIII chargea le président du gouvernement Berenguer de rétablir la normalité constitutionnelle. Échec. La main passa à Juan Bautista Aznar, qui pour calmer le jeu, convoqua dans tout le pays des élections municipales le 12 avril 1930.
En Catalogne victoire de la coalition des partis indépendantistes, dont Esquera Republica de Catalunya (ERC) qui rafle 25 conseillers en se présentant pour la première fois à une élection. Ce parti qui existe encore aujourd’hui, et qui codirige la Generalitat avec Carles Puigdemont, en la personne du vice-président Oriol Junqueras.
La République espagnole
L’Espagne est devenue une république, mais fragile. Les catalans, forts de leur victoire aux élections municipales, veulent une autonomie au sein de cette république. Le 14 avril 1930, à 13h30, Lluís Companys, un des leaders d’ERC sort au balcon du Palau de la Generalitat – à l’époque siège de la diputació de Barcelone, aujourd’hui celui du gouvernement de Catalogne – pour proclamer la République Catalane. Celle-ci n’aura qu’une durée de vie de trois jours, l’institution accepta de se fondre dans la République espagnole. En contrepartie, la Catalogne peut récupérer une autonomie sous la forme du gouvernement de la Generalitat et d’un parlement catalan.
La révolte des gauches
Novembre 1933. Élections générales en Espagne avec un panorama politique éclaté où aucun parti n’obtient une claire majorité. De fait, la droite soutient un gouvernement du radical Alejandro Leroux. Une situation qui ne convient pas au très gauchiste président catalan Lluis Companys. Il considère qu’avec ce gouvernement il ne sera pas possible de développer les nouvelles compétences de la Generalitat. La jeune institution catalane, qui n’avait que deux ans d’existence, devait collaborer activement avec le gouvernement central pour développer les infrastructures en Catalogne. Avec l’exécutif catalan et espagnol aux antipodes, le premier choc institutionnel eu lieu en avril 1934 quand le parlement avec la majorité d’ERC vota une loi particulièrement défavorable aux propriétaires agricoles. La Lliga, parti catalan conservateur d’opposition, quitta le parlement catalan et demanda à Madrid de rendre cette loi inconstitutionnelle et de la suspendre. Le conseil constitutionnel de l’époque annula la loi catalane en juin 1934. Le gouvernement de Companys désobéit à l’Etat Espagnol en représentant la loi au parlement catalan et la fait voter à nouveau, sans retirer le moindre article.
Crise politique à Madrid avec un gouvernement affaibli, la droite réussit à faire rentrer des ministres monarchistes. Hérésie pour les républicains qui quittent le gouvernement. La gauche politique et syndicale se rebelle et s’unit au sein de l’alliance ouvrière en tentant de former un mouvement insurrectionnel. L’armée y met fin rapidement, avec plus d’un millier de morts dans la région Asturies.
La déclaration au balcon de la Generalitat
Dans ce climat d’anarchie, particulièrement puissant en Catalogne, où tous les ponts sont rompus avec l’Espagne, le 6 octobre 1934 à 20h, le président de la Catalogne Lluis Companys sort au balcon du Palau de la Generalitat pour proclamer l’Etat Catalan de la République fédérale espagnole. Scène mythique dans l’inconscient catalan et espagnol. Aujourd’hui, beaucoup d’indépendantistes rêvent d’un président Puigdemont se présentant de nouveau au balcon du Palau de la Generalitat, plaça Jaume pour revendiquer l’indépendance. Reçu comme une déclaration unilatérale d’indépendance par l’Espagne, l’armée a pris le contrôle de la Generalitat le lendemain même. Non organisée, non planifiée, sans soutient des syndicats, la République de Companys est mort-née. Pendant les combats, courts mais intenses, 64 personnes ont perdu la vie et 252 furent blessées.
Aussitôt le président Companys et son gouvernement sont incarcérés au coté d’un millier de rebelles et condamnés à une peine de 30 ans de prison. Le gouvernement espagnol suspendit l’autonomie de la Catalogne et retira les compétences en matière de sécurité, éducation et justice. Le parlement catalan du parc de la Ciutadella, ferma et fut converti en une caserne militaire.