Dans le Raval, près de 200 personnes se sont présentées à l’aube afin de participer au vote du référendum d’indépendance. Avec son caractère informel, cette journée électorale inédite se démarque par son organisation approximative, l’inquiétude face aux forces de l’ordre et la solidarité entre les habitants.
Depuis 5h du matin, des centaines de personnes se sont attroupées devant le bureau de vote situé dans le quartier du Raval, l’Institut Miquel Tarradell. Equipés de sac de couchages et de tapis de sol, certains ont même passé la nuit sur les lieux afin d’empêcher la police de pénétrer et d’occuper l’espace.
Motivés et déterminés, les habitants ne sont pas moins face au doute quant au déroulement du vote. «On est dans l’attente, on ne sait pas à quoi cette journée va ressembler. On sera là de 5h du matin à 20h. Quoi qu’il arrive, on restera calme et solidaire. On chantera des chansons et il n’y aura pas de violence.» explique Gracia Ruste, une voisine qui a participé à l’organisation du scrutin.
Conscients de la menace que représente l’intervention des forces de l’ordre, les organisateurs du scrutin refusent d’indiquer comment et où sont entreposés les urnes et les bulletins de votes. «Ils sont arrivés à 4h30 ce matin, mais pour le reste c’est un secret. On ne veut pas se les faire confisquer» indique Gracia Ruste.
Une résistance pacifique pour « protéger la zone »
Le scrutin est sous tension, surtout depuis les interventions violentes de la Guardia Civil pour le suspendre dans d’autres bureaux de Barcelone. Cependant, face à la police, les animateurs du vote appellent à la résistance pacifique. A plusieurs reprises, ils disent aux habitants regroupés devant le bureau depuis plus de trois heures, qu’en cas d’intervention de la police, ils devront rester assis par terre afin de bloquer l’accès au bureau de vote. A 8h30, les habitants commencent alors à faire une chaîne humaine devant l’Institut Miquel Tarradell. Les personnes âgées doivent se mettre en file indienne contre les murs du bureau de vote, alors que les plus jeunes se mettent devant eux afin de les protéger.
La peur de la police est sur toute les lèvres, alors que la Guardia Civil n’est pas venue comme ce fut le cas dans d’autres bureaux de vote. Les Mossos d’Esquadra restent passifs. En effet, postés devant la rue depuis 7h du matin, ils n’interviennent pas et se contentent de faire des rondes. Amassée devant le bureau de vote depuis plus de trois heures, la foule est régulièrement appelée au silence lorsque les Mossos s’approchent du bureau de vote. Une situation qui provoque la stupeur, car ici on ne sait pas trop à quoi s’attendre.
En effet, tout ici semble improvisé. La préparation du scrutin demeure approximative. La pluie a tout d’abord contraint les organisateurs à ouvrir les portes du bureau à 6h, afin d’abriter en priorité les personnes âgées qui devaient encore attendre trois heures avant de pouvoir voter. Le collège électoral qui devait arriver à 8h15, n’est arrivé au final qu’à 9h, heure d’ouverture officielle du bureau. De plus, depuis la coupure du système informatique, tous ne semblent pas d’accord sur la manière d’assurer le vote. En l’absence de liste électorale, il a été décidé que tous les Espagnols pourraient voter dans n’importe quel bureau. A 9h, alors que tous s’attendent au début du vote, les organisateurs cherchent encore des bénévoles parmi la foule, afin d’assister le collège électoral. A 10h, le scrutin peine à démarrer. Seul quelques personnes âgées sont parvenues à pénétrer dans le bureau.
La mise en place du scrutin est aussi marquée par les témoignages de solidarité entre les habitants. La plupart disent être là avant tout pour défendre leur droit de voter et non l’indépendance. « Votarem » (Nous voterons) crient-ils à l’unisson à plusieurs reprises. Lorsque certains tentent d’entonner « Viva la Independencia » (Vive l’Indépendance), les organisateurs rappellent qu’aujourd’hui est une journée électorale ouverte à tous, autant aux partisans du oui, du non et du vote blanc. Malgré tout, la plupart avouent être venus pour faire gagner le « oui ».