Référendum – Les patrons catalans entre espoir et inquiétude

A quelques jours du référendum promis par les séparatistes mais interdit par Madrid, les chefs d’entreprise catalans observent avec inquiétude l’escalade du bras de fer institutionnel.

« Le monde de l’entreprise déteste l’insécurité politique et l’insécurité juridique, et la situation que nous vivons en ce moment peut nous mener à la catastrophe ». Manuel Rossillo, président du syndicat de patrons de l’Hospitalet et des communes du Baix Llobregat, ne mâche pas ses mots. « Il faut une réelle volonté politique de sortir de cette crise », poursuit-il, visiblement lassé du thème indépendantiste qu’il confie ne même plus évoquer en famille. 

La Catalogne peut se targuer d’être l’un des moteurs économiques de l’Espagne, représentant 20% de son PIB et 30% de ses exportations. C’est d’ailleurs l’une des motivations du mouvement indépendantiste, qui pense qu’elle s’en sortirait mieux sans l’Espagne. Mais cette bonne santé économique fait aussi penser à Philippe Saman, directeur de la Chambre de Commerce française à Barcelone, qu’en cas d’indépendance et malgré les affirmations répétées de Bruxelles, le nouveau pays ne sortirait pas de l’Union européenne. “Personne n’y aurait intérêt, pour le poids économique de la région, explique-t-il, mais aussi parce que c’est une zone de passage et que les entreprises locales, dont les plus grandes, pousseraient pour rester”. Mais le Français est inquiet de la tournure des événements, même s’il défend que la CCI française reste apolitique. « Je n’ai jamais vu cela en 40 ans de vie à Barcelone, regrette-t-il, il faut maintenant que les hommes politiques, qui nous ont menés jusque-là, prennent leurs responsabilités et trouvent une solution »

Le monde de l’entreprise divisé

De l’avis des deux responsables d’associations d’entrepreneurs, les entreprises paralysent pour l’instant leurs décisions les plus importantes et attendent de voir la suite des événements. « Elles attendent, réfléchissent, cette situation ne peut contenter personne » confie Philippe Saman. Chacun espère secrètement que le conflit se résolve rapidement, la plupart se prononçant pour une autonomie renforcée de la Catalogne, et un système de répartition des impôts plus avantageux.

Mais comme la société catalane, le monde de l’entreprise reste divisé sur la question. Surtout du côté des PME. Pour Lluis, chef d’entreprise dans le secteur de la construction, une Catalogne indépendante pourrait davantage développer ses infrastructures, comme le couloir méditerranéen qui faciliterait les échanges commerciaux avec les pays voisins. « Un nouvel Etat, cela veut dire de nouveaux sièges d’entreprises, de nouvelles ambassades, et donc de nouveaux contrats, indique-t-il, et nous qui aurons lutté pour en arriver là, nous pouvons penser que nous serons ceux qui assureront la construction de tous ces nouveaux bâtiments ». Une sortie de l’Union européenne, alors que le marché principal de la Catalogne reste l’Espagne puis la France, ne l’effraie pas. « On ne peut pas dire que l’Europe aille vraiment bien en ce moment, glisse-t-il, il y a des pays comme la Norvège qui bénéficient d’autres traités européens comme l’AELE [NDLR Association européenne de libre-échange ou EFTA] et qui s’en sortent très bien ». Dimanche, Lluis ira voter pour le oui. Philippe Saman et Manuel Rossillo espèrent quant à eux que des négociations sérieuses entre Madrid et Barcelone pourront débuter dès lundi.

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