Rats, inondations, fêtes intempestives, faux propriétaires. Fraîchement débarqués dans la capitale catalane, ils ont vécu l’enfer en colocation. Ils nous racontent.
Vinciane Bernaville, originaire de Picardie, avait trouvé le stage idéal à Barcelone. Pour valider sa dernière année d’étude, la jeune femme était assistante export manager. Angoissée à l’idée de ne pas réussir à trouver d’appartement, Vinciane a épluché toutes les annonces. Sur le site EasyPiso, elle trouve un appartement proche de son entreprise. Jackpot ! Pour réserver la chambre le loueur lui demande une caution de 500€ : « Je l’avais rencontré, et j’avais visité l’appartement, je ne me suis pas inquiétée ».
Quelques jours avant son arrivée, elle contacte le propriétaire. Problème, sa chambre n’est pas libre. Le propriétaire lui en propose une autre dans une de ses auberges de jeunesse. « J’étais méfiante, j’ai tout de suite demandé à la réceptionniste de l’auberge de me faire un papier attestant que j’avais bien payé les 500€ ». Une semaine après, l’étudiante peut enfin rentrer dans son appartement, situé dans la Carrer de Llull. Surprise, les colocataires n’étaient pas au courant de son arrivée. Ils la préviennent tout de suite : ici, c’est un calvaire. Des dizaines de factures et de relances, des avis de coupures d’eau, de gaz, d’avis à comparaître au tribunal arrivaient dans la boite aux lettres. Le propriétaire, quant à lui, restait toujours injoignable.
Une à une, les colocataires fuyaient l’appartement. Vinciane, elle, était piégée. Il lui fallait impérativement récupérer l’argent. De plus en plus inquiète, la jeune femme s’est mise à étudier les différents contrats qu’elle possédait. L’attestation de l’auberge et les contrats étaient faux.
Audrey Clemenceau, du cabinet d’avocats Bassas et Clemenceau installé à Barcelone nous explique : « Un contrat en règle pour une colocation dépend de la « Ley de Arrendamientos Urbanos ». Chaque colocataire doit avoir son propre contrat. Le maximum de détails doit être mentionné. Le prix, la durée du contrat, les services à payer, le moyen de paiement, etc ».
Déterminée à récupérer sa caution, Vinciane se rend à l’auberge. À son arrivée, les femmes de l’accueil feignent de ne pas la connaître. Une seule solution, les Mossos. Suite à l’intervention de la police catalane, les colocataires découvrent l’illégalité de l’auberge de jeunesse. Le propriétaire agissait sous une fausse identité et avait l’habitude d’arnaquer des jeunes gens à la recherche d’un appartement.
La suite de son séjour ? Une succession de série noire. Après avoir quitté le premier appartement, Vinciane trouve une colocation près de la Sagrada Familia. Les premiers jours se passent sans aucun accrochage. La propriétaire semble honnête. Un matin, une petite flaque d’eau apparaît dans la salle de bain. Très vite, les choses sont prises en main par la propriétaire qui envoie son homme à tout faire, qui avoue toutefois être incompétent pour ce problème : « Il a fallu deux jours pour qu’un plombier intervienne. On pataugeait dans la salle de bain mais aussi dans la cuisine. La fuite s’était répondue ». Les tuyaux étaient très anciens, rongés par la rouille et le plomb.
Quelques jours après le colmatage, la fuite revient de plus belle. Cette fois-ci, la propriétaire est beaucoup moins réceptive. Elle refuse catégoriquement de débourser les 900 euros demandés pour refaire la tuyauterie et réparer les murs. « Elle voulait attendre de savoir si l’assurance allait prendre en charge les réparations. » En attendant, aucune solution n’a été proposée. « La fuite s’étendait chez les voisins du dessous, qui venaient frapper à notre porte pour savoir quand est-ce que nous allions réparer. Ils venaient plusieurs fois par jour et toujours plus énervés » se souvient Vinciane. Pour la Française, de nombreux propriétaires espagnols ne voient en la location d’appartement de l’argent facile : « j’avais des connaissances françaises en stage, tous ont dû faire face à la radinerie de leurs propriétaires. »
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Tête à tête avec… un rat !
Une position que partage aussi Arthur Schwartzman, étudiant en dernière année de master : « Les étrangers payent le prix fort des appartements alors que les Catalans payent 10-20% en moins ». Si le jeune homme est aussi radical, c’est qui lui reste encore des mauvais souvenirs de sa colocation à Barcelone. Pendant plus d’un mois et demi Arthur va chercher, depuis la France, une chambre dans la capitale catalane. Alors que la date de son stage approchait, le jeune homme avait sélectionné cinq appartements sur le site internet Uniplaces. Son choix final, une chambre à Sant Andreu pour 450€.
Lors de la visite, rien d’anormal. L’habitation correspond aux attentes de l’étudiant. Le propriétaire, quant à lui, ne semble pas déranger le nouveau colocataire. Très vite, la situation va se dégrader. Le propriétaire, qui ne devait pas vivre dans l’appartement, restait régulièrement dormir. Mais pas seulement ! « Il rentrait à 3h du matin avec sa copine du jour, faisait ce qu’ils avaient à faire sans se soucier des autres. On entendait tout, c’était l’enfer » se souvient le jeune homme. Souvent, Arthur avait la surprise matinale de découvrir un petit garçon sur le canapé. Le fils du propriétaire, seul devant la télévision.
Le dimanche, des fêtes s’organisaient dans le salon. Alcool, musique très forte et drogue au programme. Le roi de la soirée ne prenait jamais la peine de prévenir les autres colocataires : « ça pouvait durer de 9h jusqu’à 22h, ils étaient tous sous l’emprise de la cocaïne ». Un scénario digne d’un film !
Malgré de nombreux avertissements, rien ne changeait. Un soir, Arthur se lève dans la nuit. Face à lui, un rat ! Le coup de grâce. Le jeune homme était décidé à partir. Problème, il est piégé par le contrat passé avec l’agence. « Si je partais, je perdais ma caution de 400 euros ». Un montant énorme pour un étudiant. « Finalement j’ai fait pression, j’ai dû dire que je connaissais des avocats catalans, pour qu’ils me rendent 200 euros ».
Maitre Clemenceau met en garde : « Pour les sites de colocation, les règles ne sont pas les mêmes. Il faut absolument bien vérifier les conditions générales du site internet ». La fameuse case à cocher « lu et j’accepte ». Pour Arthur, ces sites profitent du manque d’expérience des étudiants internationaux.
La guerre à la maison
Yasmine et Mélanie, deux meilleures amies, avaient réussi à trouver une colocation ensemble. Début août, elles contactent une agence immobilière francophone, paient les frais d’inscription (199€) et sont assurées d’avoir un logement début septembre. Chose faite. Après la fin de l’été, une chambre double dans le quartier Nou Barris près du métro Llucmajor les attendait. La première rencontre avec les colocataires se passe très bien. « C’était un couple, ils nous ont tout de suite expliqué les règles de vie de l’appartement » raconte Yasmine.
Pourtant le lendemain matin, la réalité des choses ne collait plus avec le discours de la veille. La vaisselle s’entassait, des verres sales un peu partout, des mégots de cigarettes traînaient… Les jeunes femmes pouvaient à peine s’asseoir sur le canapé tant il était sale. « On a même eu des retours négatifs de la part de la femme de ménage. Elle est allée se plaindre à l’agence de la crasse! » se souvient Mélanie.
Le couple avait pris pour habitude de faire tourner plusieurs fois par semaine une machine de linge : « J’ai tout de suite prévenu l’agence parce que j’avais anticipé la grosse facture d’eau« . Convoqués par l’agence, les colocataires ont été obligés de s’expliquer. « À partir de là, ça a dégénéré. L’agence leur a pris leur caution, ils nous en ont voulu. C’était la guerre« . Le quotidien des jeunes femmes était devenu une succession de représailles. Vol de nourriture, bruits excessifs, tout était matière à pousser à bout. « Ça nous a rendu mauvaises » nous avoue Yasmine. Prises dans une spirale infernale, les deux Françaises vont à leur tour devenir les pires colocataires. « Un jour on s’est aperçue qu’ils mettaient nos brosses à dent dans la cuvette des toilettes. On a vu rouge ! » Pour se venger, elles iront jusqu’à découper aux ciseaux leurs vêtements. Pourtant, elles resteront dans l’appartement durant toute la durée de leur séjour, soit 7 mois, car le quartier leur plaisait.
Comme elles, chaque année, des dizaines de milliers de jeunes Européens débarquent dans la capitale catalane, ville favorite des étudiants Erasmus. Face à cette manne pour les propriétaires, les arnaques se multiplient et les jeunes étrangers, cible préférée des moins scrupuleux, se trouvent parfois démunis. Pour limiter les mauvaises surprises, trois règles d’or : visiter l’appartement avant de signer le contrat (en logeant par exemple dans une auberge de jeunesse pour chercher une fois arrivé sur place), bien lire les conditions du contrat et en cas de problème, ne pas hésiter à se faire aider par une connaissance locale (un collègue catalan par exemple).