A 9h ce matin, le parc de la Ciutadella, le jardin du parlement catalan, connaissait une agitation peu habituelle.
Sous le soleil brûlant, les esprits ne demandaient qu’à s’échauffer. Divers manifestants pro-indépendance sont venus soutenir leurs députés en déployant des banderoles devant le bâtiment abritant la chambre des parlementaires catalans. Il faut dire que cette journée, les indépendantistes l’attendent depuis deux ans.
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La majorité indépendantiste devrait aujourd’hui défier l’Espagne en votant solennellement les lois encadrant le référendum non autorisé par Madrid. A l’intérieur du parlement, un haut responsable du gouvernement catalan est souriant mais se déclare déterminé comme jamais. Ce leader indépendantiste, poursuivi par la justice espagnole pour son implication dans le processus prend un ton martial pour nous confier sous les ors du parlement catalan que « l’Espagne est restée deux siècles en arrière, elle fait la guerre aux Catalans ».
Sans fusil, ni mitraille, la guerre que se livrent Catalans et Espagnols est juridique. La présidente du parlement catalan, la très indépendantiste Carme Forcadell, a ouvert les hostilités ce matin en demandant la récusation des 12 juges du Tribunal constitutionnel. Cette institution espagnole sera chargée de suspendre la loi du référendum dès quelle sera votée par le parlement catalan. En demandant, la récusation des juges, la présidente Forcadell cherche à gagner du temps. Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy s’était vanté de pouvoir rendre invalide la loi catalane en moins de cinq minutes. La procédure de Forcadell pourrait retarder administrativement de 24h les recours contre la loi. In fine le résultat sera le même, le référendum ne sera pas autorisé par l’Espagne. Mais dans le très feutré parlement catalan, ancienne bastille militaire, les recours juridique permettent de dramatiser la situation.
Les adversaires à l’indépendance ne sont pas en reste. Les centristes de Ciutadans, premier groupe d’opposition, ont réussi ce matin à interrompe les débats parlementaires. Le motif du courroux de l’opposition est la façon dont Junts Pel Si et La CUP (les partis séparatistes) ont introduit la loi à l’ordre du jour du débat parlementaire. Pour éviter que la loi ne soit modifiée par les parlementaires, la majorité indépendantiste a recouru à la procédure d’urgence qui empêche tout amendement. Une mesure qui viole les droits de l’opposition selon Ciutadans, les socialistes et la droite.
Réaction express de Madrid
De son côté, le gouvernement de Mariano Rajoy a interjeté un recours express devant le tribunal constitutionnel pour mettre fin sans délai au débat devant aboutir à l’approbation de la loi référendaire par la représentation catalane, « un débat scandaleux, un coup de pied à la démocratie » a indiqué la vice-présidente Soraya Saenz de Santamaria dès 14h15. Le gouvernement a demandé à la Cour constitutionnelle de rendre nuls et non avenus les textes votés à l’issue de ce débat et a affirmé étudier les responsabilités pénales de la présidente du parlement Carme Forcadell.
Pour empêcher la tenue du référendum, sur le papier, le gouvernement espagnol peut aussi suspendre l’autonomie catalane ou le président de la Generalitat Carles Puigdemont. Des mesures radicales qui ne seront probablement pas utilisées.
La fête nationale de Catalogne, lundi prochain, sera une démonstration de force des indépendantistes qui pourraient descendre dans la rue par centaines de milliers. L’État espagnol n’a pas vraiment d’intérêt à créer des martyrs indépendantistes qui lanceraient de l’huile sur le feu d’une foule déjà extrêmement remontée contre l’exécutif de Madrid.
De l’avis de tous les observateurs, l’Espagne vit sa pire crise politique depuis 1975.