JO 1992 : la dernière grande collaboration entre la Catalogne et l’Espagne

Un maire de Barcelone socialiste, un président de la Generalitat nationaliste catalan, un gouvernement espagnol à peine sorti de la dictature franquiste et un communiste à la tête du comité d’organisation. Le succès des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 est aussi le résultat d’une concorde politique telle qu’elle parait difficile à imaginer en 2017.

Au début des années 80, la crise du pétrole frappait de plein fouet Barcelone cité industrielle. La ville tournait au ralenti. Faute de moyens, les grands travaux prévus dans le cadre du plan général de 1974 étaient stoppés. Pas d’ouvriers sur les chantiers des deux périfériques routiers entourant la ville, paralysie de la perforation du tunnel de Collserola et plages dans un état d’insalubrité avec des rats en guise de baigneurs.


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Juan Antonio Samaranch, Barcelonais d’origine, ancien franquiste, voulait que sa ville natale accueille les Jeux.

Madrid n’était pas en état d’accueillir les Jeux

Point de favoritisme, le dossier devait être impeccable, surtout que Paris était finaliste. L’union se fit: 65 % de la société espagnole et 75 % de la société catalane se prononçaient en faveur de l’organisation des J.O. à Barcelone.

Le roi Juan Carlos, qui voulait faire oublier l’image du coup d’état manqué de l’armée en 1981 et souhaitait ardemment que l’Espagne se prépara à entrer dans la Communauté européenne, mit tout son poids en faveur de la candidature barcelonaise. Les milieux les plus conservateurs de Madrid ont dû se faire à l’idée que la capitale espagnole n’était pas en état de recevoir les Jeux.  Le parti centriste au pouvoir qui organisa la sortie de la dictature vers une transition démocratique se désagrégeait de jour en jour dans une interminable crise politique. La capitale espagnole bruissait de rumeurs de tentatives de coups d’état et de rébellion de factions militaires. Le gouvernement en déliquescence tentait de préserver la jeune démocratie, la ville n’avait pas la tête à organiser des Jeux Olympiques.  n français comme il est de tradition, le comité olympique annonça : « Barcelona est la ville ! ».

La mairie de Barcelone était dirigée par le socialiste Pasqual Maragall qui remporta les élections municipales de 1983. Pour le maire, les Jeux furent le prétexte pour une grande rénovation urbanistique de Barcelone afin de réaliser une projection mondiale de la ville qui allait devenir la plus attractive du sud de l’Europe.

La Maison Royale espagnole, le gouvernement central alors passé aux mainx des socialistes, l’exécutif de Catalogne dirigé par le nationaliste catalan Jordi Pujol donnèrent leur plein soutien à la mairie barcelonaise. La plus petite entité administrative prit les commandes et nomma Josep Miquel Abad, un ancien communiste, pour diriger le Comité d’organisation. La mairie réussit à faire un grand écart afin de ne pas créer de heurts politiques. D’un côté les nationalistes de Jordi Pujol commencèrent à s’agacer de l’« espagnolisation » de Barcelone. Une campagne de presse internationale fut organisée par la Generalitat sous le slogan « In Catalonia of course » (En Catalogne bien sûr). Le parti de Jordi Pujol, Convergencia Democratica de Catalunya, qui plusieurs années plus tard serait à la tête du processus indépendantiste, demandait aux Barcelonais de mettre des drapeaux catalans à leur balcon pour rappeler aux visiteurs l’identité locale. En même temps, la mairie socialiste de Barcelone dû rassurer les autres régions du pays de la même couleur politique qui trouvaient que les Jeux au contraire devenaient trop catalans.

L’hymne catalan retentit avant l’hymne espagnol

Au final, c’est la concorde qui gagna. Succès total. L’hymne catalan retentit avant l’hymne espagnol lors des cérémonies d’ouverture et de clôture en présence du Roi. L’hymne espagnol fut joué ensuite sans aucun sifflet. Fin connaisseur de la politique espagnole, le directeur adjoint du journal catalan La Vanguardia Enric Juliana confie que des jeunes nationalistes voulurent faire irruption avec des drapeaux indépendantistes dans le stade et pirater le signal télé pour émettre un message séparatiste. Le directeur Josep Miquel Abad les en dissuada, et tout rentra dans l’ordre comme dans le meilleur des mondes. Autre fait notoire dans l’Espagne des années 80 et 90 : aucun cas de corruption n’a été détecté autour de l’organisation des Jeux.

La capitale catalane allait rapidement se faire une place dans le top des destinations touristiques mondiales. Mairie de Barcelone, Maison royale, gouvernement catalan et gouvernement central collaborant main dans la main, l’Espagne de 1992 et celle de 2017 n’ont définitivement plus grand-chose à voir.

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