Véritable purge au sein du gouvernement de Catalogne : trois ministres qui doutaient de la possibilité d’organiser un référendum d’indépendance le 1er octobre prochain ont été expulsés de l’exécutif catalan par le président Puigdemont. Récit d’une crise.
Les conseillers de l’Intérieur, de l’Éducation et la porte-parole du gouvernement catalan prendront la porte de sortie ce soir à 17h. Le président Puigdemont les a demis de leurs fonctions en raison de leurs doutes quant à l’organisation du référendum indépendantiste non autorisé par l’Espagne le 1er octobre prochain. La coalition gouvernementale menée par le président Carles Puigdemont (droite PDeCAT) et le vice-président Oriol Junqueras (gauche ERC) tangue.
Signer un décret pour convoquer un référendum illégal est lourd de conséquences judiciaires. Chose certaine : le président Puigdemont, qui est dans une logique sacrificielle et exaltée, posera sa signature sur le décret, quitte à mettre fin à sa carrière politique en recevant une lourde peine d’inéligibilité. Carles Puigdemont veut rester dans les livres d’histoire comme le président qui sera allé le plus loin dans le processus séparatiste, même s’il doit devenir un martyr de la cause.
La peur des poursuites judiciaires
En revanche, les choses sont moins claires du côté du vice-président Oriol Junqueras. Plane le doute sur le leader de la gauche républicaine de jouer une partie de billard à trois bandes. Soutenir le référendum indépendantiste sans réellement s’engager à titre personnel et attendre un éventuel fiasco le 1er octobre pour devenir président du gouvernement catalan lors des prochaines élections, en s’alliant au besoin avec les socialistes et Podemos.
La ficelle étant un peu grosse, Carles Puigdemont a proposé mercredi à Oriol Junqueras un poste de « super ministre du référendum« . Le ministère en question serait chargé de l’achat des urnes pour voter le 1er octobre, de la gestion des listes électorales et de la signature du décret de convocation du référendum. Autant de démarches qui sont un attrape-foudre judiciaire qui conduiront Junqueras à une peine d’inéligibilité, une lourde amende, voire une peine de prison. Le vice-président Junqueras, qui est aussi le leader de la gauche indépendantiste, a une nouvelle fois réussi à louvoyer prétextant que certains ministres issus du parti de droite PDeCat étaient « des planches pourries » qui pouvaient se défiler de peur des poursuites de l’État espagnol, et dans ces conditions, hors de question de prendre la tête d’un ministère gérant le référendum.
Dont acte, hier soir jusqu’à minuit trente, le président Puigdemont a convoqué en tête-à-tête et en catastrophe tous les ministres de son parti. L’engagement est clair : soit ils restent à la tête de leur ministère en acceptant de subir les conséquences de l’organisation du référendum, soit ils doivent quitter l’exécutif. C’est la seconde option qui s’est ouverte pour Jordi Jané, conseiller à l’intérieur, Meritxell Ruiz qui était en charge de l’éducation, Neus Munté, la porte-parole, auxquels s’ajoute le secrétaire général du gouvernement Víctor Cullell.
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Jordi Jané, qui avait exprimé en privé des doutes sur le rôle de police catalane durant un référendum non autorisé, sera remplacé par Joaquin Forn, bras droit de l’ancien maire de Barcelone Xavier Trias. La ministre de l’éducation détenait un poste sous pression : les bureaux de votes sont normalement installés dans les écoles et collèges. Lors du référendum illégal, la grande inconnue est de savoir comment seront gérés les collèges électoraux. L’influente Neus Munté, quant à elle, a eu peur pour son patrimoine personnel, qui peut-être saisi en cas d’amende infligée par l’État espagnol. Elle sera remplacée par le très médiatique Jordi Rull, qui était jusqu’alors chef des députés indépendantistes.
Un président jusqu’au-boutiste
Une crise gouvernementale qui met en fureur, la vieille garde du PDeCAT, en particulier Artur Mas. L’ancienne Convergencia juge « hors de contrôle » le président Puigdemont qui est entré dans une logique jusqu’au-boutiste sur la question du référendum du 1er octobre.
Le président catalan, quant à lui, déplore le manque de soutiens de son parti, voire de son gouvernement, et prend toutes ces décisions dans un relatif secret avec une cellule restreinte de conseillers. Il a de plus en plus tendance à s’éloigner du PDeCAT pour se rapprocher des éléments les plus radicaux de l’indépendantisme, notamment les députés de La Cup (extrême gauche) qui sont prêts à le suivre dans sa démarche de désobéissance absolue face à l’État espagnol.
Ce matin lors d’une conférence de presse, Carles Puigdemont a rappelé que la Catalogne « vivait une législature extraordinaire, qui a commencé de façon extraordinaire en janvier 2016 et qui se terminera de façon extraordinaire avec le référendum du 1er octobre ». Pas sûr que d’ici cette date, le gouvernement ne traverse de nouvelles crises.