Les Jeux Olympiques de 1992 ont marqué un tournant dans l’Histoire moderne de la capitale catalane. Vingt-cinq ans plus tard, l’urbaniste Jon Montero, qui a participé à l’aventure, revient avec nous sur cette transformation inédite et sur l’héritage actuel des JO de Barcelone.
Photo: Jon Montero – TAU
Les Jeux Olympiques de 1992 marquent un avant et un après dans l’Histoire récente de Barcelone. Le plus grand événement sportif du monde a placé sur l’échiquier international la capitale catalane tout en lui donnant l’opportunité de se renouveler en profondeur. Un des acteurs de cette transformation, Jon Montero, a reçu Equinox. Pendant l’entretien, les yeux bleus de cet urbaniste d’une soixantaine d’années pétillent. « Merci de me rappeler ces bons souvenirs » nous dira-t-il après.
La transformation de Barcelone
Les Jeux Olympiques sont attribués en 1986 à la ville de Barcelone. A l’époque, la capitale catalane souffrait de graves manques. « Nous vivions encore les conséquences de 40 ans de dictature nous a confié Jon Montero. Il n’y avait pas de périphérique et la mer n’était pas accessible, sauf au port et au bout de la Rambla de Canaletes ». La Barceloneta était alors occupée par des bâtiments industriels et par les immigrés venus du reste de l’Espagne trouver du travail. Barcelone profite de l’événement sportif pour s’ouvrir à la mer et créer, entre autres, les rondas de Dalt et du Littoral. »Ce sont les chantiers qui marquent un avant et un après à Barcelone » assure l’urbaniste.
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La Villa Olimpica aussi a été une réussite. « Les architectes ont eu la bonne idée de l’édifier près de la mer et de créer le long un paseo maritimo depuis les Tours Mapfre jusqu’à la deuxième digue. » Avant les JO, c’était un terrain vague où vivaient les Gitans et des pêcheurs, au milieu des sorties d’égouts. C’est devenu un quartier à part entière de la ville, alors que d’autres villes hôtes l’ont laissé à l’abandon ou démonté. « C’est le résultat d’une politique qui pensait avant tout à l’héritage que pouvait laisser ces travaux dans la ville. Je ne pensais toutefois pas que la ville changerait autant et en si peu de temps » explique Montero.
En contrepartie Barcelone a perdu son esprit canaille. « La vieille ville et le front de mer de la Barceloneta représentaient avant les Jeux la Barcelone typique, un peu ringarde mais pleine de vie. Les intellectuels d’Amérique Latine comme García Marquez venaient à Barcelone pour ça. Les mouvements anarchistes espagnoles prenaient aussi vie ici. Tout ça a disparu avec la réforme urbaine des Jeux Olympiques. Mais ce n’est qu’un petit désagrément par rapport à tout le bien que cela a fait à la ville » conclut l’urbaniste.
Une réussite politique et sociale
Au delà des grands travaux, les Jeux Olympiques ont été également une réussite sociale et politique de la ville. « Ce fut pour tous un moment d’espoir quelques années après la fin de la dictature. Je me souviens du jour où Barcelone a été déclarée ville hôte. Nous étions au bureau, devant la télé. Quand nous avons vu le maire Pasqual Maragall sauter comme un fou, j’ai compris et je me suis mis moi aussi à sauter sur place ».
Pour Montero, l’ancien maire de Barcelone est le véritable artificier de cette aventure. « Même s’il n’y paraissait pas, Pasqual Maragall avait une grande valeur intellectuelle. C’est à lui qu’il faut attribuer le plus de mérite. » L’urbaniste se souvient également que presque toutes les décisions prises au niveau politique, sociale ou économique ont été un succès grâce à une opposition constructive et l’aide du gouvernement central à Madrid. « En ce temps-là nous étions tous anti-dictatures (c’était à peine 10 ans après la mort de Franco NDLR), Cela contribuait à nous rapprocher malgré nos différences« .
Paris n’aura pas autant à faire
En parlant de Barcelone 92, comment ne pas penser à Paris, qui pourrait en septembre être élue ville hôte des Jeux Olympiques 2024. « Il n’y aura pas autant de transformation. Paris est une ville bien plus aboutie que ne l’était Barcelone il y a 30 ans » balaye Montero.
L’urbaniste pense que les défis de la capitale française sont sur ses extérieurs, notamment sur les périphériques au-delà de la ceinture qui entoure Paris, et sur la réutilisation du village olympique. « Si le gouvernement français gère bien l’euphorie qui naîtrait de la consécution des Jeux, pas de doute que les JO seront un succès » conclut cet amoureux de Paris.