Podemos échoue dans sa tentative à faire tomber le gouvernement espagnol

Fait exceptionnel dans la politique espagnole, le parlement débattait aujourd’hui et hier d’une motion de censure déposée par le parti Podemos afin de renverser le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Une tentative qui a échoué. Décryptage.

La motion de censure. C’est l’arme atomique de la politique espagnole qui permet de destituer un chef de gouvernement. Depuis 1975, seules trois motions de censure ont été lancées et aucune n’a abouti favorablement en provocant la chute du gouvernement. Car non seulement une motion entraîne le renversement de l’exécutif mais elle offre aussi automatiquement le pouvoir à un membre de l’opposition.

Depuis hier, le parlement espagnol débat pour destituer le conservateur Mariano Rajoy suite à une demande formulée par le groupe de gauche radicale. C’est Pablo Iglesias, le chef de cette mouvance, qui postule pour prendre la place de Mariano Rajoy. La raison officielle de ce débat : l’innombrable nombre d’affaires de corruption frappant le Partido Popular (PP), la droite conservatrice au pouvoir. Les orateurs de Podemos ont enchaîné à la tribune les punchlines : « Le PP est une organisation qui se consacre à la délinquance »,  « Monsieur Rajoy la majeure partie de vos amis sont en prison »,  « Le PP a plus d’affaires de corruption que le nombre de députés et sénateurs espagnols réunis ».

De son côté, le président Rajoy applique sa ligne de défense habituelle : d’une part, le PP lutte contre la corruption qui est un fléau en Espagne et ne frappe pas que son parti et d’autre part Pablo Iglesias reste un agitateur de plateau télé, n’ayant pas la carrure pour diriger un gouvernement.

Pour renverser les conservateurs, Pablo Iglesias propose une grande coalition de gauche incluant son parti, les socialistes, les indépendantistes catalans et les nationalistes basques. Si arithmétiquement parlant, une coalition de « tout sauf Rajoy » est possible, elle se heurte à un repoussoir encore plus fort que les affaires de corruption du PP : le référendum indépendantiste catalan.


Lire aussi : Référendum le 1er octobre – L’indépendance de la Catalogne est-elle vraiment possible?


Podemos, qui est très lié à la maire de Barcelone Ada Colau, réclame l’organisation d’un référendum sur la question indépendantiste. Les plus radicaux du mouvement soutiennent même le référendum non autorisé par le gouvernement espagnol qui doit se tenir en Catalogne le 1er octobre prochain. Cette position de Podemos a permis à Pablo Iglesias de recevoir le soutien des députés indépendantistes catalans et basques. En revanche, les socialistes et les centristes de Ciudadanos ont formé un cordon sanitaire autour du Podemos refusant fermement toute organisation d’un référendum séparatiste.

De fait la motion de censure échoue en ne recueillant que 82 voix (Non : 170 – Abstention : 97).  Podemos, Bildu et ERC ont voté pour, Ciudadanos et PP contre, le PSOE, PDeCAT et PNV se sont abstenus.

Les socialistes sous pression

Podemos savait que cette motion ne mènerait pas à la destitution du gouvernement, les socialistes n’étant pas mûrs pour une coalition avec la gauche radicale. Le but premier de Pablo Iglesias était d’obtenir une tribune médiatique pour se présenter en chef de l’opposition devant un parti socialiste en crise. Iglesias a égrainé toute une batterie de mesures sociales : un plan de lutte contre la pauvreté, une hausse du SMIC et des retraites, et des mesures contre la corruption.

L’objectif second de Podemos est de renforcer la pression sur le PS qui est coupé en deux. Une partie sociale-démocrate prête à collaborer avec le PP en offrant une stabilité parlementaire à Mariano Rajoy. L’autre secteur du parti est beaucoup plus à gauche, mené par Pedro Sanchez, le candidat malheureux aux élections législatives qui vient de prendre sa revanche, en se faisant réélire secrétaire général du PS en mai dernier. Sanchez veut un parti socialiste qui puisse s’allier avec Podemos. Il déclare maintenant que la Catalogne est une nation et ouvre son parti vers des mesures beaucoup plus sociales. Il ne franchit cependant pas le Rubicon de l’autorisation de la tenue d’un référendum séparatiste. Donc dans les faits ne peut pas s’allier avec Podemos pour le moment.

Cependant Pedro Sanchez, qui n’a pu intervenir durant cette session de motion de censure car il n’est pas député, s’exprimera samedi dans un grand congrès de son parti. Une tribune médiatique qui permettra de constater les évolutions du parti socialiste. Le PS qui pourrait à son tour déposer une motion de censure dans les semaines ou les mois à venir. En attendant, Mariano Rajoy devrait entamer sa septième année à la tête du gouvernement espagnol.

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