Portrait de campagne. Par Nico Salvado, fondateur d’Equinox
Gabrielle Siry Molina, cette Bretonne au physique très espagnol, de par ses aïeux aussi originaires du Portugal, n’est pas une socialiste orthodoxe. Du quinquennat Hollande, elle souhaiterait effacer toute l’année 2016.
« Si j’avais été députée, je n’aurais pas été une frondeuse, mais je n’aurais pas voté non plus la loi travail dans l’état, j’aurais préféré une première loi qui garantisse la protection des salariés, et ensuite on aurait fait une seconde loi travail avec de la flexibilité ».
Coincée sur sa droite par la candidate d’En Marche, Samantha Cazebonne et sur sa gauche par l’insoumis François Ralle Andreoli, la socialiste essaie de se frayer un chemin. « Je suis moins libérale qu’en Marche, qui veut l’Europe allemande, et je passe bien avec les entreprises car je comprends leur activité et leurs besoins, surtout en ce qui concerne les petites entreprises que je défends depuis trois ans dans mon activité professionnelle » se rassure la candidate. Si elle n’est pas donné favorite sur une circonscription où Emmanuel Macron a fait plus de 37% des voix et Hamon seulement 7%, la socialiste croit tout de même en ses chances. « Personnellement, j’ai travaillé au cabinet de la ministre Lemaire, je sais comment fonctionne l’Assemblée Nationale, comment marche le travail parlementaire, comment on construit des alliances ». Façon de dire que ses principaux concurrents de la société civile n’ont aucune expérience des rouages politiques.
Pour passer le barrage du 1er tour, il faudrait que la socialiste récupère les voix parties chez Mélenchon (18% au soir du premier tour de la présidentielle) et que simultanément la candidate des Républicains Laurence Sailliet (26% pour Fillon) s’écroule. Gabrielle Siry se retrouverait face à la candidate d’En Marche qui dans toutes les configurations sera certainement présente au second tour. « C’est faisable, les gens de gauche qui ont voté Macron sont déçu d’un Premier ministre de droite, et sur la circonscription la candidate d’En Marche a pour collaborateur Pierre-Olivier Bousquet qui est de droite, donc les électeurs peuvent revenir vers ma vraie candidature de gauche ».
Gabrielle Siry mise tout sur sa personnalité et son parcours. Quand je lui dis qu’elle doit porter les boulets-bilans du PS et d’Hollande – électoralement compliqués -, la candidate me répond par un éclat de rire « vous êtes très négatif! ». Cependant Gabrielle Siry est consciente du peu d’attrait de la marque socialiste après le passage d’Hollande à l’Élysée. Du coup, la candidate joue plus sur sa personnalité que sur son parti. Elle est persuadée qu’elle doit rencontrer le plus grand nombre possible d’électeurs pour les convaincre personnellement. Gabrielle Siry est jeune : 28 ans. Il n’en demeure pas moins qu’elle a accumulé un certains nombre d’expériences. La responsable politique a vécu un échange universitaire aux Etats-Unis, fait un mémoire sur la crise grecque, travaillé pour la Banque de France avant de travailler au cabinet de la Ministre du numérique Axelle Lemaire, un bagage assez solide pour celle qui garde les traits d’une éternelle étudiante.
Du coup, Gabrielle Siry apparaît plutôt à l’aise sur les dossiers de la circonscription : elle propose d’indexer le calcul des bourses scolaires sur le prix des loyers de chaque ville de la circonscription. Une métropole comme Barcelone avec des loyers plutôt élevés verrait le montant des bourses monter. Elle souhaite également que les Français de l’étranger ne paient aucun impôt en France, ni CSG, ni sur le patrimoine. Gabrielle Siry, dans la logique progressiste de démocratie participative, souhaite que les citoyens puissent se prononcer sur la destination de la réserve parlementaire : ces dizaines de milliers d’euros dont dispose à discrétion relative un parlementaire pour aider au financement des projets d’utilité publique de sa circonscription.
« J’ai un programme détaillé » se félicite la candidate. « D’ailleurs comme je l’ai sorti en premier, nombreux sont ceux qui s’en sont inspirés » me lance-t-elle avec une certaine émotion. Dans le viseur : la candidate d’En Marche qui souhaite mettre trois collaborateurs parlementaires dans différents endroits de la circonscription afin d’établir un relais permanent avec les administrés. « C’est mon idée » revendique Gabrielle Siry. Puis elle tacle : « sauf que moi je connais le fonctionnement du parlement, et il faut un assistant à Paris et deux dans la circonscription, c’est impossible de travailler sans un attaché au parlement, preuve que la candidate d’En Marche ne sait pas comment tourne la machine politique. »
Sur la question de l’indépendance catalane, après le préambule d’usage qui rappelle que c’est une question souveraine entre l’Espagne et la Catalogne, Gabrielle Siry se place sur la même ligne que les socialistes catalans. « Si la droite conservatrice n’avait pas fait un recours en 2011 pour faire tomber le statut fiscal avantageux pour la Catalogne, on ne serait pas dans cette crise ». Comme le parti socialiste catalan, dont son suppléant Eric Mas est membre, la candidate préconise « plus d’autonomie pour la région ».
Celle qui a choisi la solitude d’une campagne électorale à l’étranger, en s’installant à Madrid et en laissant ses proches en France, saura-t-elle galvaniser l’électorat afin d’effacer le 7% de son candidat à la présidentielle ? Eric Mas, le malicieux suppléant, lance dans un sourire mystérieux que beaucoup de choses peuvent se passer en deux semaines (qui nous séparent du second tour). Gabrielle Siry se rassure en qualifiant ses rencontres avec les électeurs de fructueuses, affirmant qu’elle réunit plus de monde dans ses rencontres que certains autres grands candidats de gauche.