[REPORTAGE] La folle surenchère des enterrements de vie de célibataire à Barcelone

reportage barceloneDifficile de ne pas en croiser si vous arpentez les rues de Barcelone les soirs de weekend. Les groupes qui fêtent l’enterrement de vie d’un célibataire sont nombreux à choisir la capitale catalane comme destination. Zoom sur ce phénomène.

Janvier 2016. Un groupe d’amis irlandais décide de faire la tournée des bars de Barcelone. Un peu trop alcoolisé, le futur époux s’endort dans les toilettes d’un bar du quartier Gòtic et à la fermeture personne ne le remarque. Impossible de joindre le propriétaire du lieu, il n’en est sorti que le lendemain à 14 heures après intervention des pompiers qui ont libéré l’homme déguisé en ballerine, relatait alors le quotidien catalan La Vanguardia.

Soleil, plage, ambiance festive, prix attractifs… Barcelone a toutes les bonnes raisons d’être choisie pour faire son enterrement de vie de jeune fille ou de garçon. D’autant plus qu’elle fait partie des villes desservies par les vols low cost tels que EasyJet, RyanAir ou Air France qui propose des tarifs de groupe. Sa localisation, à quelques heures des plus grands métropoles françaises et européennes, en fait un lieu privilégié. Depuis 5 ans, les enterrements de jeune célibataire se sont largement multipliés à Barcelone, pour le bonheur des agences spécialisées et le malheur des habitants.

Un écosystème festif et adapté aux groupes

Barcelone semble avoir tout ce qu’il faut pour séduire les organisateurs d’enterrements de vie de célibataire. Anne, Parisienne de 35 ans ayant organisé celui de sa meilleure amie confirme : « Barcelone, c’est une ville qui bouge et idéale pour faire la fête et du shopping. Il y a aussi beaucoup d’hôtels avec spa vraiment bien. En plus c’est à 1h30 de Paris en avion, que demander de plus ? ».

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D’après Kevin, créateur de l’agence Intense Barcelona spécialisée dans les enterrements de vie de célibataire francophones à Barcelone, hormis ses nombreux atouts, la capitale catalane « est une ville moins intimidante que d’autres destinations phares comme Prague ou Budapest car c’est juste à côté de la France et dans un groupe il y a toujours au moins une personne qui parle un peu espagnol ». Les groupes de l’agence sont pour la plupart âgés de 25 à 35 ans. 90% d’entre eux viennent entre avril et septembre, et plus particulièrement les mois de mai et juin. D’après les derniers chiffres de la mairie de Barcelone (2015), les touristes visitant la ville seraient principalement des hommes (60,4%) et leur tranche d’âge serait 25-34 ans (30,3%).

L’organisation des enterrements de vie de célibataire est devenu en vrai business en soi. À Barcelone, on trouve pas moins d’une trentaine d’agences spécialisées en la matière. Même les agences situées à Paris offrent des prestations au sein de la capitale catalane. C’est l’exemple du site Crazy EVJF, qui place Barcelone numéro 1 de ses 70 destinations pour sa « grosse ambiance le soir dans les bars et les clubs ». Chaque année, 3000 personnes font appel à leurs services.

Des activités toujours plus extrêmes

Strip-tease, shows comiques ou érotiques, repas au restaurant, entrées en boîte de nuit, les packs varient entre 35 et 60 euros par personne. Les agences vont toujours plus loin dans les activités en offrant des séances de sport extrême comme le saut en parachute ou l’excursion en Quad. La future mariée peut même s’adonner à une séance de paintball ou de laser game. On est loin du spa glamour entre copines.  enterrements-vie-célibataire-barcelone

Chaque entreprise a su tirer profit de ce phénomène. Elles ont en commun de proposer une nuit avec toujours plus de folie. C’est le cas notamment de Hummer Barcelone, une entreprise qui propose la location de bus et limousine pour les enterrements de vie de célibataire. La limousine peut accueillir douze personnes et propose un tour d’une heure avec une bouteille de cava pour le prix de 175 euros. Éva, qui s’occupe des réservations, explique à Equinox : « pour les trajets, il n’y a pas de circuit imposé le client décide du ramassage et de la destination, souvent à une discothèque ou un restaurant ». La société a beaucoup de demandes, principalement des Catalans, des Espagnols, des Anglais et des Français.

Les voisins à bout de nerfs

Mais si agences et touristes sont ravis, les Barcelonais ne le voient pas du même œil… L’Association des Voisins du quartier Gòtic de Barcelone, contactée par Equinox, a eu plusieurs plaintes des habitants. Le séjour des enterrements de vie de célibataire ne durent que trois jours en moyenne mais paraissent bien plus longs pour les locaux qui les voient s’enchaîner à peu près toute l’année. Leur circuit est souvent le même : Carrer dels Escudellers, Plaça George Orwell, Carrer Ferran et la fameuse Plaça Reial, creuset actuel de la vie nocturne de Barcelone. Après avoir fait la tournée des bars du centre, les groupes se retrouvent éméchés sur le Port Olympique pour finir la soirée en boîte de nuit.« C’est un problème car ce sont des personnes qui viennent à Barcelone dans l’unique but de consommer énormément d’alcool. Ils se fichent d’où ils sont, si on pouvait envoyer l’un des groupes dans n’importe quel autre lieu… ils ne s’en rendraient même pas compte » déplore un porte-parole de l’association.

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Le directeur d’Intense Barcelona n’est pas de cet avis : « certains groupes ne savent pas se tenir lorsqu’ils sont trop saouls mais les débordements éventuels sont gérés par nos prestataires. Nous n’avons jamais eu de situation vraiment grave, et seulement 3 cautions d’appartements ont sauté en 4 ans ».

Vers une interdiction à Barcelone ?

L’été dernier, l’Espagne a montré son ras-le-bol en interdisant les enterrements de vie de célibataire dans certaines villes. À Madrid, à Tarifa (Andalousie), à Mojacar où les amendes peuvent aller de 100 à 300 euros en cas de comportements irrévérencieux. À Tossa de Mar, une station balnéaire de Catalogne, ils sont prohibés seulement en août, au moment où cela pourrait altérer le tourisme.


Lire aussi : Barcelone est-elle devenue tourismophobe?


À Salamanque, l’amende peut s’élever à 3000 euros pour un déguisement vulgaire. Si Barcelone n’a pas encore banni ce phénomène, la municipalité a interdit en 2012 les barathons : une tournée des bars dans le centre de la ville pour 10-15 euros par personne, organisée par des agences spécialisées. Ces groupes de 30 à 60 personnes qui déambulaient dans les rues de 23h à 6h du matin avaient exaspéré les habitants de la Ciutat Vella qui avaient finalement obtenu gain de cause. L’actuelle mairesse Ada Colau souhaite pour sa part réguler le tourisme festif, en le dispersant vers des zones plus excentrées de la ville, sans toutefois le prohiber.

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