Elles s’appellent Sylvia, Marta ou Karen. Elles ont entre 18 et 30 ans. Et elles sont escortes de luxes à Barcelone. Dans l’ombre, ces filles offrent leurs services sexuels pour se faire de l’argent de poche. Bienvenue dans leurs vies.
« Bonjour, je m’appelle Karen et je suis nouvelle dans le milieu des escortes de luxe, j’ai seulement 22 ans et je suis étudiante. J’ai hâte de faire ta connaissance, viens me rencontrer ». Voilà le genre de messages descriptifs qui permettent à une jeune femme de proposer ses services sexuels en échange d’argent. En France, un rapport sexuel monnayé est considéré comme de la prostitution. En Espagne, ce n’est pas le cas si c’est le choix de la femme.
Un système moins restrictif qu’en France
La législation française est plus sévère à l’égard de la prostitution qu’en Espagne. Mais dans les deux pays, forcer une femme ou organiser un trafic autour de la vente du corps est bien évidemment un délit. Dans le cas où la personne est consentante pour avoir des rapports monnayés, « elle pourra le faire librement » en Catalogne comme l’indique le porte-parole des Mossos d’Esquadra interrogé par Equinox. Le plus vieux travail du monde est tout de même fortement encadré par la police catalane qui n’hésite pas à intervenir. « Beaucoup de jeunes filles viennent de l’Europe de l’Est, de Roumanie principalement » nous indique t-il. En général, elles arrivent pour essayer de renvoyer de l’argent chez elles. Mais aussitôt arrivées, elles tombent entre les mains de la mafia.
« Lorsqu’on a des plaintes, ce qui est rare, on essaye vraiment de les protéger ainsi que leurs familles », explique le porte parole des Mossos. Dans ce milieu, lorsque les filles font partie d’un réseau, leur mac n’hésite pas à menacer de mort leurs familles si elles parlent. Une pression qui réduit fortement le nombre de plaintes pour violences de la part des prostituées. « Sur 20 filles, il y en a uniquement 5 qui osent venir nous en parler ». Au delà des mafias, il y a une partie des relations sexuelles consenties et monnayées qui est possible en Espagne et donc à Barcelone : il s’agit de la prostitution de luxe appelée escorting qui se pratique dans les clubs, dans les hôtels ou à domicile.
Le marché florissant des maisons closes à Barcelone
Dans une ville comme Barcelone où il est facilement possible de faire la fête et de rencontrer de nouvelles personnes, difficile d’imaginer que ces clubs existent. Et pourtant, il en regorge. Stéphane Gomez, un Français de 41 ans, en a d’ailleurs fait son commerce en ouvrant deux prostibules dans la capitale catalane. Au pas de la porte, une caméra de surveillance vérifie l’identité des personnes. Une fois entré, quatre caméras permettent de visualiser l’invité. Les chambres sont visibles dès l’arrivée, la plupart sont fermées avec un rideau. Au milieu de l’établissement, un salon avec un bar fait office de salle d’attente. Les filles se détendent en attendant leurs clients. « Elles payent uniquement la location de la chambre », explique le propriétaire des lieux.
Les escortes peuvent y accéder dès qu’elles ont un homme mais ne peuvent l’occuper sans clients. Des caméras leur permettent d’effectuer leurs choix. Elles ne sont pas obligées de se présenter à un demandeur si le coeur n’y est pas. Dans le cas contraire, les jeunes femmes venues de partout dans le monde défilent une à une pour que le client fasse son choix. En petite tenue ou en robe légère, elles déambulent dans les couloirs de l’établissement. Liz, 25 ans et colombienne, vient s’installer dans le salon. Elle est à Barcelone depuis deux mois. Et escorte depuis autant de temps. La jeune femme explique son choix : « je fais ça pour pouvoir investir plus tard. J’envoie l’argent en Colombie sur mon compte et je mets de côté ». Pour Liz comme pour la plupart, c’est temporaire mais le besoin d’argent pousse les jeunes femmes à vendre leur corps.
Conxa Borrell, ancienne prostituée et thérapeute sexuelle à Barcelone, expliquait récemment que « la crise économique confronte beaucoup de personnes au chômage et pour beaucoup de femmes, la prostitution semble un moyen d’échapper à cette situation sans issue ». Un avis qui n’est pas partagé par le propriétaire des lieux. Selon lui, « elles ont toute la possibilité de travailler dans autre chose, c’est un choix ». Sur son site, l’établissement parle d’escortes. Lorsqu’on l’interroge sur la différence entre les escortes et les prostituées, sa réponse est claire : « c’est un euphémisme. C’est exactement la même chose mais avec un nom plus joli ».
Instagram, le nouvel outil de l’escorting
On décrit les escortes comme des filles classes à qui on demande d’avoir un certain niveau d’éducation. Elles doivent être belles, bien élevées et tenir une conversation. Dans l’esprit général, ces femmes accompagnent de riches hommes lors de dîners au restaurant ou de galas. Elles permettent également de combler leur solitude lorsqu’ils viennent en voyage d’affaires à Barcelone. Il y avait d’ailleurs une offre spéciale pour le World Mobile Congress qui a eu lieu il y a quelques semaines. En réalité, la fin de soirée d’une escorte se termine toujours par un rapport sexuel avec le client. La plupart de ces filles ont un peu plus de la vingtaine et vivent un train de vie ostentatoire. Le tarif varie en fonction des clients. Pour une nuit, elles peuvent toucher de 500 à 4 500 euros.
Les réseaux sociaux ou la nouvelle arme de séduction massive. Pour développer leurs commerces, des jeunes filles, parfois mineures, n’hésitent pas à utiliser Instagram. Sur leurs comptes, elles dévoilent sans complexe leurs formes, généralement, dans des lieux paradisiaques. Robes de luxes, piscines à gogo et décors de rêve. A les regarder, on les envierait presque. Seulement, la réalité est bien différente. De jeunes étudiantes, au départ, rêvant à une vie de princesse et qui, pour l’obtenir, vendent leurs corps. Comme le rappelle Conxa Borrell : « il ne faut pas confondre prostitution et fille facile car il n’y a rien de facile dans la prostitution ». Réduites au statut d’objet, la plupart ne se remettront jamais de ces expériences.