Donald Trump Président : ce que ça va changer pour l’Espagne

OPINION – Donald Trump devient le 45e Président des Etats-Unis d’Amérique. Focus sur l’impact et les conséquences que ce nouveau président va avoir sur l’Espagne.

La victoire de Donald Trump est qualifiée de « surprise » par de nombreux observateurs. Hier après-midi, pourtant, l’auteur de cet article pronostiquait sur l’antenne d’Equinox Radio une victoire serrée du candidat républicain. L’analyse était simple : une élection ne se gagne ni sur Twitter et encore moins en faisant des leçons de morale dans des éditos de journaux ou sur les plateaux télévisés.


Réécouter le reportage : A Barcelone, les Américains votent Hillary


On oublie le plus souvent qu’un scrutin électoral est un rendez-vous entre le peuple et un candidat. Or, le peuple a cette fâcheuse tendance à ne pas suivre ses élites. Pis encore, les élites en question ont tendance à exaspérer les masses qui vont voté exactement le contraire. Il est facilement imaginable que la campagne médiatique ait renforcé largement le vote en faveur de Donald Trump. Les petites gens  exercent ainsi le seul moyen de réponse qu’elles ont face au mépris d’une certaine caste : le bulletin de vote. Un sentiment mélangé également d’espoir et d’excitation : si l’acteur fortuné d’Hollywood ou le diplomate bien au chaud dans son bureau ont si peur du changement que provoquerait Trump, peut-être que pour moi, travailleur pauvre, ce changement sera positif.

Changement des relations avec l’Europe

Il faut garder à l’esprit que le président des USA, c’est la culture du pays et des institutions, est par nature nationaliste. Qu’il soit démocrate ou républicain, il a d’abord été élu pour défendre les intérêts des Américains et pas ceux de l’Europe. Commercialement, financièrement, l’Europe est une concurrente des Etats-Unis. Lors de sa victoire en 2008, les commentateurs européen annonçaient que Barack Obama serait un président européen. On a vu tout le contraire. Le leader américain a mis en place ce que l’on appelle la « doctrine Obama » : un rappel incessant aux Européens de prendre davantage leurs responsabilités, notamment sécuritaires, dans leur voisinage à l’Est et au Sud.

Au vu de la personnalité de Trump, on peut supposer que les relations seront plus rugueuses avec les partenaires européens qu’elles ne l’auraient été avec Hillary Clinton. Il faudra néanmoins contraster le comportement du président Trump avec celui du candidat Donald.

Au niveau économique, le TTIP, le fameux traité transatlantique de commerce et d’investissement, combattu en Espagne par Podemos et soutenu par la droite au pouvoir, devrait avec Donald Trump disparaître. Ce texte, en cours de négociation, prévoit un grand accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis avec zone de libre-échange transatlantique, jugée ultra-libérale. Il va probablement être mis en pause pendant un ou deux ans, voire plus.

Donald Trump face à une Europe fragilisée

Donald Trump, lui-même issu d’une vague populiste, sera en relation avec une Europe qui n’a plus confiance en elle, dévorée par des mouvements populistes de gauche et de droite. Équation compliquée. Donald Trump, qui a fait campagne sur le thème des dangers de l’islamisme radical, devra composer avec une Europe ravagée par le terrorisme islamique.

Il faudra observer quelle place l’Espagne de Mariano Rajoy pourra trouver dans ce nouveau cadre. Certains pays comme la France ont déjà leur place d’interlocuteur pour les questions militaires, notamment en Afrique; l’Allemagne pour les questions économiques et le futur de l’Europe post-Brexit ; le Royaume-Uni pour la relation politique spéciale qu’il entretient avec les Etats-Unis. Au niveau de la crise environnementale, il faut s’attendre à une forte opposition des politiques européennes qui tentent de lutter contre les effets de la pollution. Donald Trump pendant sa campagne avait qualifié d’imbécillité la Cop 21 de Paris. Il ne comprend absolument pas l’enjeu du climat et pourrait remettre en question cet accord.

Les Etats-Unis et l’Espagne, une amitié de longue date

La relation hispano-américaine a débuté pendant la dictature du général Franco. En pleine guerre froide contre l’ex-URSS, les Etats-unis voyaient dans la figure du dictateur espagnol un solide rempart contre le communisme qui, selon les Etats-Unis, pouvait rapidement envahir l’Europe. Cette alliance a permis en 1955 à l’Espagne, pourtant isolée sur la scène internationale, de rentrer à l’ONU. Le président américain Eisenhower fut un des rares responsables politiques issu de pays démocrates à visiter officiellement l’Espagne.

Du rétablissement de la démocratie en 1975 jusqu’en 2001, les regards nord-américains étaient moins tournés vers l’Espagne. En 2001, tout change. Georges W. Bush, fraîchement élu, lance les Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme. Il trouvera un allié plus que fidèle en Espagne, avec le premier ministre conservateur Jose Maria Aznar. Le pays, avec l’Angleterre et l’Italie, participera à la guerre d’Irak, envoyant des troupes espagnoles combattre aux côtés des Américains. Aznar fit de Bush son modèle, en important la lutte contre le terrorisme en Espagne, en mettant la pression sur le groupe terroriste ETA au Pays basque, tristement connu pour perpétrer depuis 1975 des attentats sur le sol espagnol.

george bush jose maria aznarLe conflit en Irak est vite devenue impopulaire dans le monde entier et a mis plus d’un million d’Espagnols dans la rue pour protester contre la guerre, dans une des plus grande manifestation que le pays a connu. En représailles face aux actions militaires, des terroristes islamiques ont frappé Madrid en faisant exploser des bombes à Atocha, la gare centrale de la capitale. Un carnage. Les terroristes ont attaqué l’Espagne, deux jours avant les élections législatives, ce qui eu pour effet de donner une victoire inattendue aux socialistes.

Le nouveau premier ministre de gauche José Luis Zapatero a entretenu des relations exécrables pendant les quatre années de mandat de G. Bush. Le premier ministre espagnol retira les troupes espagnoles d’Irak, et les deux dirigeants politiques, fait rare, ne se sont jamais officiellement rencontrés en tête-à-tête. Avec les changements politiques, l’arrivée de Barack Obama aux Etats-Unis et du conservateur Mariano Rajoy en Espagne, les relations bilatérales reprirent d’une manière normale. Le 14 janvier 2014, le premier ministre espagnol était reçu à la Maison-Blanche. Il sera très intéressant d’observer quelles tournures prendront les relations hispano-américaines ces quatre prochaines années.

La victoire des populismes

Il est important d’observer enfin que ce succès de Donald Trump est la seconde victoire -après le Brexit- des « Marine Le Pen », des « Podemos » et des « Ada Colau » en tous genre. Donald Trump, l’incarnation physique du populisme, donne corps aux promesses les plus folles et les plus irréalistes.


Lire aussi Alexandre Jardin : « Podemos reste dans le politique, il faut agir »


La Maire de Barcelone, à l’imagination débordante de mesures infaisables ou purement symboliques, va se sentir pousser des ailes ce matin, même si elle dit le contraire sur son compte Twitter. Car « sí, se puede » accéder au pouvoir uniquement en faisant des formules rhétoriques.

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