L’agonie politique de l’Espagne

ANALYSE – 2016 : l’Espagne meurt politiquement. En 1946, la France adoptait sa quatrième République. Un système politique instable qui a plongé le pays dans un chaos institutionnel qui n’est pas sans rappeler l’agonie actuelle des institutions espagnoles.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, c’est un tripartisme qui dirige la France : les communistes, les socialistes et les démocrates chrétiens. Une union qui s’écroule rapidement. Le parti communiste se retire du gouvernement et rejoint les gaullistes dans l’opposition. Ne pouvant plus dégager de majorité absolue au parlement, la IVe République est condamnée à l’instabilité : le gouvernement le plus long dure seize mois avant d’être remplacé. Beaucoup d’exécutifs ne dépassent pas les cinq mois, un mois, six jours ou même le gouvernement de Christian Pineau qui n’est resté en place qu’un seul jour.


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Face à ce chaos institutionnel, la quatrième République laisse la place à la cinquième qui est toujours en vigueur aujourd’hui en France. Les changements ont été radicaux : un président de la République élu directement par le peuple de France et disposant de pouvoirs renforcés. Jusque là, c’était le président du Conseil, élu par les députés au Parlement, qui dirigeait le gouvernement. Etant élu directement par le peuple en deux tours et donc à la majorité absolue, le président de la République française jouit d’une légitime incontestée contrairement aux présidents issus des majorités bancales des votes parlementaires de la quatrième République.

Finie aussi la proportionnelle pour élire les députés. Les parlementaires comme le président de la République sont élus à deux tours lors d’un scrutin majoritaire. Si la cinquième République n’empêche pas le président de souffrir d’une impopularité chronique, institutionnellement, le système reste stable et le pays gouvernable.

Le système politique espagnol proche de l’explosion

Depuis 1977, le système politique espagnol fonctionne à peu près comme celui de la IVe République française. Les députés sont élus avec le système proportionnel et le président du gouvernement n’est pas directement élu par le peuple espagnol mais par les parlementaires. Le système espagnol fonctionne bien depuis le rétablissement de la démocratie, car il avait, contrairement à la IVe République, la singularité de n’avoir que deux partis qui se disputaient le pouvoir : les conservateurs contre les socialistes. De fait, la majorité était toujours stable, au besoin les députés nationalistes basques ou catalans soutenaient le gouvernement avec leur dizaine de sièges.

Avec l’irruption de la gauche radicale de Podemos et des libéraux de Ciudadanos, les conservateurs et socialistes ne peuvent plus dégager de majorité parlementaire et donc former un gouvernement. L’élection législative de décembre dernier a tourné au fiasco. Aucune majorité parlementaire n’a pu se dégager, personne ne voulant soutenir la droite de Mariano Rajoy. Podemos ne voulant non plus s’allier avec les socialistes, la législature n’a duré que six mois et a eu pour résultat la convocation d’une nouvelle élection législative le 26 juin prochain.

Les candidats et les propositions étant les mêmes, en toute logique les résultats seront à peu de choses près identiques. Et ceux qui n’ont pas voulu faire d’alliances entre eux hier auront peu de chances d’en nouer demain. D’ailleurs, de nombreux analystes pensent qu’un nouveau scrutin pourrait être organisé dans les six mois suivant les élections du 26 juin.

Sans majorité, face aux pressions économiques de Bruxelles et au défi indépendantiste catalan, de toute évidence le système espagnol va imploser ou exploser à court terme. La solution ? Mettre en place les mêmes réformes qu’en France en 1958. A court terme : supprimer l’élection des députés à la proportionnelle en instaurant un suffrage universel à deux tours, ce qui permettrait de dégager une majorité claire en évitant les négociations de couloirs interminables. Par la suite, à moyen ou long terme, des réformes plus importantes devront être pensées comme la légitimité démocratique du roi d’Espagne et la place des communautés autonomes notamment celles comme la Catalogne qui sont entrées en conflit avec le pouvoir central.

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