Manifestations qui tournent mal, agressions dans le métro… Depuis fin mai, la ville enchaîne les faits divers violents. Simples coïncidences ou nouveau climat d’insécurité à Barcelone? Etat des lieux.
Barcelone s’est réveillée le 24 mai avec la gueule de bois. La veille au soir, l’expulsion par la police catalane de la « Banc Expropiat », un squat transformé en maison sociale et citoyenne, a mal tourné. Des dizaines d’activistes d’extrême-gauche ne comptent pas lever le camp et saccagent une bonne partie du quartier de Gràcia. S’en est suivie une nuit d’émeutes avec son lot de voitures brûlées et policiers caillassés. Les troubles se poursuivront jusqu’au 2 juin, perdant au fil des jours en intensité.
Mercredi 1er juin, 8h du matin, dans la station de métro de la place Catalunya, en plein centre de Barcelone, deux individus se bagarrent avec un troisième sur un quai bondé. Un employé de la sécurité du métro de Barcelone tente de s’interposer et se fait alors rouer de coups. Il terminera à l’hôpital avec un pied cassé.
Samedi 4 juin, alors que le pays se prépare à la Coupe d’Europe de football, deux jeunes femmes font la promotion de la prochaine installation des écrans géants qui permettront aux spectateurs de suivre les retransmissions de l’équipe nationale. Cinq individus surgissent alors et se jettent sur les supportrices, les tabassant à coups de poing et les traitant de « sales putes espagnoles », des insultes agrémentées de quelques menaces de mort. Les agresseurs sont partis aussi vite qu’ils sont venus, volant au passage un sac à main des victimes.
Lundi 6 juin, retour dans le métro de Barcelone, à la station de Glòries. Trois jeunes personnes jouent au football sur le quai. Le ballon tombe plusieurs fois sur les voies et les jeunes descendent dangereusement sur les rails pour le récupérer. Un vigile vient alors leur demander de cesser de jouer sur le quai. Les délinquants prennent d’abord la fuite, puis se rendent compte que leur supériorité numérique leur permettrait de s’opposer au vigile. Ils décident donc, usant d’une violence inouïe, de passer le vigile à tabac.
Retour en vidéo sur cette semaine noire à Barcelone :
« Certains vont dire que Barcelone est plus sûre que le Venezuela »
Les observateurs s’interrogent alors : Barcelone est-elle entrée dans un nouveau cycle de violences et de délinquance? ou si ces faits ne sont-ils qu’une série de coïncidences?
Du côté du syndicat des vigiles de sécurité de métro, l’ambiance est au pessimisme. José Antonio Carbonell, vice-président de Marea Negra, l’association de défense des travailleurs de la sécurité privée demande dans le journal catalan La Vanguardia si les pouvoirs publics attendent un mort pour réagir. Le syndicaliste déplore que les agents mettent leur vie en jeu pour un salaire de 900 euros par mois. Carbonell estime que les agents « n’ont pas de moyens légaux pour faire régner la sécurité », et que si un vigile est victime d’un homicide volontaire, « le crime est seulement puni de 5 ans de prison ». Marea Negra interpelle le Mairie de Barcelone, le gouvernement de Catalogne et le gouvernement espagnol pour un changement de législation.
« Certains vont dire que Barcelone est plus sûre que le Venezuela, mais pour une ville européenne, la sécurité est mauvaise », tranche Alberto Fernandez Diaz, président du groupe Parti Populaire (droite) au conseil municipal de Barcelone. Contacté par Equinox, il estime que « ces actes se sont déroulés car ils ont été permis » à cause, selon lui, des politiques de En Comú et autres forces de gauche à la mairie de Barcelone et aux « indépendantistes qui sèment l’anarchie au gouvernement de Catalogne ».
Interrogée par Equinox, la mairie de Barcelone juge qu’il n’y a pas de problème particulier au niveau de la sécurité et se félicite d’une enquête sortie en février dernier qui stipule que la capitale catalane obtient la note la plus haute en matière de satisfaction des Barcelonais sur le thème de la sécurité depuis les 16 dernières années.
« La police est très présente partout »
Les Mossos d’Esquadra, la police catalane, visiblement agacés par nos questions, évacuent la polémique réfutant le terme de « vague de violences », qu’ils qualifient de « subjectif ». Selon les forces de l’ordre, les différents faits reportés sont isolés, émanant de lieux différents, de personnes différentes et n’ayant aucun lien les uns avec les autres.
Si les médias catalans ont largement relayé les émeutes et agressions des derniers jours, cette supposée vague de violences ne semble en tous cas pas impressionner les Français qui vivent à Barcelone. Angèle et Adrien Daval, jeune couple originaire du centre de la France, étaient aux premières loges pour suivre les émeutes de Gràcia depuis leur appartement de la rue Puigmarti . Angèle, la vingtaine dynamique, relativise les affrontements entre police et activistes, estimant que les Catalans « sont beaucoup plus sages que les Français quand ils protestent » car « à 23h30, il n’y avait plus personne dans les rues ». La jeune provinciale perd cependant son sourire en évoquant « les nombreuses violences qui se sont traduites pas d’importants dégâts matériels ».
Place Urquinaona, Bart, deejay parisien installé depuis un an et demi à Barcelone, déclare se sentir totalement en sécurité dans la capitale catalane. Le jeune homme, à l’allure décontractée et hipster, estime que « les gens sont plus éduqués ici qu’en France et ils respectent la police ». Un avis partagé par Fabienne Lefèvre, agent immobilier très BCGB résidant depuis deux ans dans le quartier gotique : « niveau sécurité, Barcelone est un petit paradis, avec la police très présente partout, qui a des droits et qui est respectée, contrairement à ce qu’il se passe en France ».
Selon une enquête publiée mercredi par la Mairie de Barcelone, les Barcelonais sont plutôt satisfaits de la sécurité de leur ville, lui attribuant la note globale de 6,2, la meilleure évaluation depuis 1999.