En mars dernier, le parti Junts Pel Si a communiqué une feuille de route menant à l’indépendance de la Catalogne. Cette ligne de conduite réunissant les partis Convergència Democratica de Catalunya (CDC) et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) indique quelles seront les étapes du chemin vers l’Etat de Catalogne. Equinox Radio a décrypté pour vous ce qui pourrait bien constituer les 18 prochains mois de la vie politique catalane en cas de victoire dimanche.
1. En voiture Raul
Si Raul Romeva, tête de liste de Junt Pel Si, l’emporte dimanche soir, aux élections parlementaires de Catalogne, une “déclaration solennelle proclamera (…) le lancement du processus d’indépendance en Catalogne”. Le Roi d’Espagne Felipe VI en sera le premier destinataire, suivi de près par les instances européennes et internationales. Dans la foulée, la Generalitat, institution politique qui régit la communauté autonome de Catalogne, se verra dotée d’un mandat de mise en oeuvre de la feuille de route, symbole de 18 mois de réflexions autour de l’Etat catalan.
Parmi les éléments structuraux d’une nouvelle Constitution, s’immiscera une batterie de mesures très ancrées à gauche. En présentant Junts Pel Si, Raul Romeva s’est emparé du projet d’indépendance de la Catalogne comme d’un instrument de développement d’une politique sociale, en commençant par s’attaquer aux “besoins urgents en matière de logement et de pauvreté énergétique” et en allant jusqu’”à la protection contre la pauvreté infantile”.
“La finalité du processus de construction d’un nouveau pays implique la responsabilité à donner des réponses, créer des opportunités, un bien-être et de l’emploi” déclare la tête de liste indépendantiste.
Independance en Catalogne : Réécoutez l’interview de R. Romeva à Equinox Radio (en français) :
Raul Romeva représente aujourd’hui Junts Pel Si mais ne serait pas le président de la nouvelle Generalitat. C’est Artur Mas, l’actuel président et numéro 4 sur la liste du parti, qui occuperait cette fonction en cas de victoire.
2. Passage à la frontière
Les promesses de Junts Pel Si ont des conséquences à court terme. Bien que la route semble longue jusqu’à la proclamation totale d’indépendance en Catalogne, certaines instances internationales ont fait connaître leur positionnement face au sort de la Catalogne. Bruxelles a affirmé que toute déclaration d’indépendance impliquerait une sortie de l’Union Européenne (UE).
“Si une partie d’un Etat membre cesse de faire partie de cet Etat, parce que ce territoire devient un Etat indépendant, les traités (européens) cessent de s’y appliquer” expliquait Margaritis Schinas, porte-parole en chef de la Commission européenne.
Or, une fois indépendante, la Catalogne serait un Etat comme un autre, invité à déposer une demande d’adhésion pour une réintégration à l’UE. Même situation auprès de l’Otan, l‘Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui rassemble plusieurs pays occidentaux autour d’enjeux politico-militaires.
Face à ces prises de positions, les indépendantistes ne sont pas restés muets. Le 26 août, Jordi Sànchez, président de l’Assemblée Nationale Catalane (ANC), a tenu à rassurer ses troupes en admettant que la Catalogne se trouverait « sans doute » expulsée de l’Europe à un moment, mais « de manière transitoire ».
« Pensez-vous vraiment que l’Union Européenne, qui met tout en oeuvre pour que la Grèce ne sorte pas de l’euro, le permettrait à la Catalogne ? » ajoute Jordi Sànchez avec une volonté profonde de créer “un nouvel Etat européen”.
Sans se planter d’itinéraire
C’est justement là un des points de discorde. Représentés par le parti de la CUP, les indépendantistes de l’extrême gauche luttent explicitement pour une rupture politique avec l’Etat espagnol, mais pas que. Ils sont prêts à envisager une sortie de l’UE et de la zone euro. Un désaccord qui n’arrange pas Junts Pel Si. S’il manque des voix à la liste unitaire (de gauche et centre droite), elle sera obligée de se rallier à la CUP pour obtenir la majorité absolue au parlement catalan et enfin déclarer la rupture avec le gouvernement espagnol.
3. Arrêt au stand « participatif »
Mais Junts Pel Si ne s’arrête pas aux obstacles diplomatiques.
“Immédiatement après à la déclaration, le processus d’élaboration et d’approbation de la Constitution du nouvel État commencera” déclare en catalan le document de Junts Pel Si.
Optimistes, les leaders de l’indépendantisme en Catalogne prévoient comme première étape, la participation citoyenne. Le parti a déjà commencé son ouverture en permettant à qui le veut de « se porter candidat pour le oui » réunissant ainsi 112 732 personnes sur sa liste électorale. La réflexion post-élection n’est cependant pas encore régie juridiquement. Le texte précise simplement que « le processus constituant sera exclusivement géré par la société civile, de manière auto-organisée ».
En parallèle de ce processus d’élaboration de la Constitution, Junts Pel Si annonce la construction de structures d’Etat par le Parlement. Cette répartition du pouvoir sera constituée de 7 instances : les finances publiques et l’administration fiscale, la sécurité, le pouvoir judiciaire, les télécommunications, les infrastructures, les relations extérieures et les services basiques d’eau et d’énergie.
Une période de transition s’organisera pour conférer les pouvoirs administratifs de l’Etat espagnol à l’Etat catalan au bout de 6 à 8 mois de travail, selon les prévisions de Junts Pel Si. Les fonctionnaires et personnels de l’actuel gouvernement catalan et des collectivités locales s’intégreront à l’administration du nouveau pays.
4. Le contrôle technique du peuple catalan
A cette étape là, la constitution et les structures d’Etat seront pensées pour la « déconnexion » finale, comme le disent les partisans de l’ indépendantisme en Catalogne . Il ne manquera plus, pour Junts Pel Si, que l’accord du peuple catalan. Des élections constituantes seront convoquées dans un maximum de 18 mois à la suite du 27 septembre 2015 pour créer un nouvel Etat. Après quoi, un référendum achèvera l’approbation de la Constitution catalane.
Ce scénario s’applique sous un bon nombre de conditions. L’une, majeure, consisterait à ce que l’Etat espagnol ne saisisse pas son Tribunal constitutionnel pour violation des lois et structures d’Etat. L’ordre juridique interdisant l’ambition de Junts Pel Si, le parti se retrouvait en difficulté. De leur côté, les indépendantistes ont répondu qu’un tel acte accélérerait le processus. Certains critiques politiques vont plus loin, comme José María Mena, ancien chef du Tribunal supérieur de Catalogne, en déclarant que cette ambition n’est qu' »une simple déclaration de volonté politique, juridiquement hors de propos ». Que la liste unitaire remporte ou non la victoire, la grande inconnue reste la réaction du gouvernement espagnol, qui malgré plusieurs démonstrations de force du camp indépendantiste au cours de ces trois dernières années, est toujours resté sourd aux revendications catalanes.