Agnès Jaoui : « Dès que j’arrive en Espagne je me sens soulagée »

Interview Agnes Jaoui

La réalisatrice Agnès Jaoui était à Barcelone jeudi 19 juin pour présenter son film « Au bout du conte » au cinéma Verdi. L’occasion pour Equinox Radio Barcelone de faire une interview d’Agnès Jaoui.

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Equinox radio : Vous êtes actrice, réaliste, scénariste et chanteuse, est-ce qu’il y a une activité dans laquelle vous vous sentez la plus à l’aise ou vous aimez toucher à tout ?

Agnès Jaoui : Je pense que ces activités ont beaucoup de points communs. Mais ce n’est pas seulement que j’aime chanter ou jouer, c’est surtout que j’aime changer de milieu. J’ai horreur d’être tout le temps dans le même milieu.

ER : Dans votre film “Au bout du conte” les références aux contes de fées sont nombreuses, autant dans les scènes que dans les personnages, d’où vous est venu cette idée ?

A : Cette idée m’est venu au départ car malgré mes parents très féministes, ouverts d’esprit et modernes, à 20 ans j’attendais le prince charmant. Quand je dis prince charmant, je pensais à un homme qui change ma vie, qui m’emporte sur son cheval blanc, etc. Je me suis dit : “Mais pourquoi ? Pourquoi ce désir imbécile ?”. Je dis imbécile parce que j’avais très envie de transmettre aux jeunes filles d’aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire d’attendre le salut d’un homme et qu’elles vivent leur vie. Et que vivre heureux en ayant beaucoup d’enfants, d’abord ce n’est peut-être pas le but de chacun et puis ce n’est pas tout à fait la réalité et c’est là que le conte de fée s’arrête. C’était mon point de départ. Puis avec Jean-Pierre Bacri on a eu envie de parler de toutes les peurs de l’être humain, qui font que les contes de fées existent pour nous rassurer, qui font que toutes les superstitions existent, c’est le côté irrationnel de chacun.

ER : Toutefois, dans ce film il y a des scènes qui contrastent un peu avec les contes de fées, notamment lorsque Benjamin Biolay réveille d’une gifle Agathe Bonitzer, alors qu’on s’attendait à un baiser. Est-ce pour montrer que ce n’est pas toujours les contes de fées ou est-ce pour surprendre ?

A : Dans le conte de Perrault, tel qu’il a été écrit originalement, le prince réveillait la princesse en la violant. D’ailleurs même il lui faisait des enfants puis s’en allait, etc. Le roi a dit à Perrault que ce n’était pas possible, il fallait changer la fin car un prince ne viole personne. Même à l’origine il y a des contes qui sont cruels, comme le Petit Poucet. On voulait dire que des fois le réveil est brutal si l’on est totalement dans l’illusion du grand amour. En même temps, ça fait parti de la vie et des expériences que doit traverser une jeune fille ou un jeune homme que d’aimer et d’être déçu. Mais on est d’autant plus réveillé quand on se trompe complètement avec des idées un peu toutes faites.

ER : Justement, dans ce film vous abordez plusieurs sujets comme l’amour, l’entrée dans l’âge adulte, l’éducation, la disparition. Est-ce que ce sont des sujets qui vous tiennent à coeur ?

A : Pour toutes les raisons que je viens de dire ça me tient à coeur parce que ce n’est pas facile d’être jeune, on ne sait pas encore que la vie est longue, que l’on se remet des désespoirs amoureux. Tout est neuf et tout prend des proportions très importantes. C’est vrai que c’est comme si j’avais envie de parler à la jeune fille que j’avais été et à celle que je connais maintenant. Ce sont des thèmes passionnants.

ER : Où est-ce que vous trouvez cette inspiration pour écrire et réaliser vos films ? Est-ce que cela vient de vous ?

A : De moi, de Jean-Pierre, en observant nos vies, nos problèmes et ceux de nos amis, des gens qu’on connait. Des jeunes et des enfants que l’on connait aussi. Cela vient de l’observation.

ER : Vous êtes actuellement à Barcelone, est-ce que c’est une ville qui vous inspire ?

A : Elle m’inspire mais elle me plait énormément. Les gens aussi me plaisent, même si l’on dit qu’is sont plus froids qu’en Castille ou qu’en Andalousie, ils sont quand même vachement plus chauds qu’à Paris, ce qui n’est pas dur (rires). Mais pas seulement plus chaleureux, mais plus simples, moins sur la défensive. Le quotidien est très agréable pour ça. J’aime beaucoup Paris, mais un peu moins les Parisiens et l’agressivité, ne serait-ce que par quoi il faut passer pour obtenir un café, sans se faire engueuler par le serveur. A Paris chacun sait que c’est une épreuve. Les taxis aussi, mais ils sont plus gentils grâce à la crise. C’est un des rares bons effets de la crise. Dès que j’arrive en Espagne, je me sens soulagée et bien. Et pas seulement parce que je suis en semi vacances, mais parce que les gens sont moins agressifs.

ER : Quels sont vos projets ?

A : Je fais des concerts cet été, il y aura beaucoup de musique pour l’année qui vient. Je vais re écrire un film avec Jean-Pierre Bacri et probablement un autre avec quelqu’un d’autre, mais tant que ce n’est pas signé je n’en parle pas.

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